Journal de bord de l'Harmattan |
Vendredi 24 Janvier 2020 Ă 9h00 TU, 10h en France - Dans le TGV Aix / Paris N° 1246 - L’annĂ©e du jubilĂ© pour Harmattan
Bonjour Ă tous,
Réveil à 4h ce matin pour sauter dans le TGV de 6h40 à Aix. Comme d’habitude j’ai jeté ma petite Clio près de la gare. Combien de temps va-t-elle rester là ? En effet, tout début novembre je vous avais indiqué que je souhaitais prendre à bras le corps mon problème de fièvre et de fatigue permanente qui me pourrit la vie. J’avais écrit au service d’infectiologie de l’hôpital de Rouen.
C’est là que se trouvent les spécialistes de l’infection urinaire récidivante chez les patients immunodéprimés. Je n’avais pas eu de réponse mais mon ange gardien, Pierre-Yves que vous connaissez tous (il m’a envoyé la météo tous les soirs lorsque j’étais en mer), a pris le problème en main et a établi le contact. Hier j’ai eu une longue conversation téléphonique avec le Professeur François Caron, le chef de service. Je vais être hospitalisé dans les jours ou semaines qui suivent, en attendant je dois me tenir prêt à filer à Rouen dès qu’un lit se libère. Du coup je dois rester à Pontoise mais je suis ravi que les choses avancent.
Tout autre chose, 2020 est l’année du jubilé pour Harmattan, 50 ans ! C’est un très grand âge pour un bateau. Malgré tout, si l’on s’en occupe, un bateau peut vivre presque éternellement. C’est comme une maison. Parfois le refit (c’est comme cela qu’on nome l’opération de reconstruction) peut couter plus cher que de construire un bateau neuf. C’est vrai mais, tout comme pour une vieille automobile, on peut se passionner pour un vieux bateau.
Je vais vous raconter son histoire. Son architecte se nome Viktor Brix, un russe qui est venu en France en 1917. Le « caneton » est sa réalisation la plus célèbre. Un jour il a eu un coup de folie et a tué sa mère à coups de hache !!! Horrible, 30 ans de prison.
L’éditorialiste des Cahiers du Yachting, François Brigneau de son nom de journaliste, Emmanuel Allot de son vrai nom, vivait dans un bateau de 9m et rêvait d’un bateau plus grand. « J’ai fait fi de tout cela car il dessinait vraiment de très beaux bateaux » m’a-t-il dit de sa voix chevrotante de personne âgée. Il l’a contacté à sa sortie de prison et ils ont dessiné ensemble « L’homme tranquille » un bateau en bois construit par les chantiers Rameau à Etel. La construction du bateau était décrite tous les mois en 1968 dans les « Cahiers du Yachting ».
Par ailleurs un p’tit gars vivant à Laon, ma ville de garnison, après avoir passé son CAP de plombier, est parti en Afrique. Il est entré dans une entreprise, a gravi très vite les échelons et en est devenu le patron. Les affaires marchaient bien, vers l’âge de cinquante ans il avait une très jeune amie et ils ont décidé de se construire un bateau pour partir autour du monde.
Ayant acheté les plans de « L’homme tranquille » Yves Fortin construit Harmattan dans la lagune d’Abidjan en 1969. C’est un des tout premiers bateaux en polyester. Il est mis à l’eau en 1970 et commence à naviguer. Malheureusement la jeune compagne sort en boîte de nuit, celle-ci prend feu, 400 morts. Yves Fortin disparaît. Quelle histoire peu commune !
Vous comprenez mon attachement à ce bateau. J’aime ses formes des années 20 (En prison Viktor Brix n’avait pas évolué). J’aime son confort même s’il ne va pas très vite, très bas sur l’eau, conçu pour la haute mer, il est extrêmement confortable. Il existe aujourd’hui des bateaux qui vont trois fois plus vite mais il se trouve que je suis bien en mer, je ne suis pas pressé d’arriver et j’aime bien mon confort.
J’espère qu’Harmattan vivra encore plusieurs dizaines d’années et qu’après moi quelqu’un l’aimera autant que moi.
A bientĂ´t Jean-Louis |
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