Journal de bord de l'Harmattan
Lundi 26 Septembre 2022 Ă  17h00 TU, 19h00 en France - A Cormeilles en Vexin
N° 1333 - L’albatros

Bonjour Ă  tous,

Depuis toujours, je suis attiré et émerveillé par la beauté d’une belle trajectoire. C’est pour moi comme une expression artistique. Dans une vie précédente j’ai ainsi passé beaucoup de temps à piloter des planeurs modèle réduit. Mais la trajectoire n’est belle que si elle est ample et remplie de pureté. On ne peut obtenir cela que par des machines d’un certain poids.

Afin de répondre à mes attentes, j’ai donc décidé de construire un planneur K6A à l’échelle environ un demi. Je me suis rendu à l’aéro-club afin de mesurer parfaitement le modèle grandeur, puis j’ai dessiné ma maquette, je l’ai construite puis mise au point. Elle pèse 33 kg et j’ai dû inventer une catapulte pour la lancer. Outre la satisfaction d’avoir réalisé un tel monstre, j’ai eu un plaisir immense à le piloter.

J’ai retrouvé les mêmes sensations dans les mers du sud avec les albatros hurleurs, à partir de la latitude 40 degrés, quarantième rugissant puis cinquantième hurlants. Dans cette partie du globe la mer est différente de celle que l’on trouve sous les tropiques, elle est souvent agitée. C’est une mer noire, le vent souffle générant des moutons de taille plus ou moins importante et même des trainées blanches. Le ciel est plombé, c’est une ambiance très particulière où le marin solitaire que je suis se régale.

Très souvent le bateau est accompagné par un grand albatros. C’est un oiseau solitaire, d’une grande élégance, extraordinairement beau qui plane en permanence dans le sillage du bateau. Il utilise le fait que la vitesse du vent est nulle au niveau de l’eau et à sa force maximale à environ 15m d’altitude. Il utilise également toute l’aérologie créé par les vagues.

C’est je crois, avec 3,5m d’envergure le plus grand oiseau de la création. La finesse de ses ailes est d’une grande beauté. Bien qu’il puisse peser jusqu’à 12 kg ce roi de l’azur peut planer des centaines de kilomètres sans battre des ailes. Qu’il est beau lorsqu’il descend au ras des vagues effectuer des courbes impressionnantes le bout de l’aile à quelques millimètres de la surface de l’eau. J’ai passé énormément de temps à les observer.

Cet oiseau nous ressemble beaucoup, il peut vivre jusqu’à 80 ans, et peut attendre l’âge de 15 ans avant de s’accoupler à la suite d’une parade nuptiale très élaborée. Une fois en ménage le couple reste uni jusqu’à la mort d’un des deux partenaires. La conception et l’élevage des poussins est exceptionnellement longue, l’incubation dure 78 jours et il faudra encore à peu près 280 jours avant qu’ils ne quittent le nid sans plus jamais revoir leurs parents.

De ce fait la reproduction n’a lieu que tous les deux ans. Une fois les petits envolés, le couple se quitte, chacun voyagera en solitaire parcourant des dizaines et des dizaines de milliers de kilomètres avant de se retrouver pour la prochaine nidification.

Un dernier point important, comme un navire autonome en mer, l’albatros possède un système de dessalement de l’eau de mer grâce à une glande spéciale qui filtre le sel afin de pouvoir ingurgiter de l’eau douce.

Une nouvelle fois je viens de relire « L’albatros », ce magnifique poème de Charles Baudelaire. Comme à chaque fois mes yeux se mouillent et je suis envahi par une très grande émotion.

Bien sûr son poème ne décrit pas une stricte réalité, par exemple l’albatros sait très bien replier ses ailes, il ne les laisse pas « comme des avirons traîner à côté d’eux ». Mais ce poème est une façon de dire qu’une très grande qualité peut être un handicap profond si elle n’est pas correctement utilisée.

Quelque part nous avons tous de l’albatros en nous et chacun doit faire beaucoup d’effort afin de se connaître en profondeur pour utiliser au mieux les atouts qu’il possède.

A bientĂ´t
Jean-Louis
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