Journal de bord de l'Harmattan |
Sat, 19 Feb 2011 13:30:00 - 90° 19’E 11°53’N N° 293 - La baie du Bengale
14H30 en France, 19 heures heure du bord, Bonjour à tous, Nous voici déjà le 19 février, c’est effarant comme le temps passe vite. La baie du Bengale est un énorme plan d’eau d’environ mille miles de large sur autant de haut. Elle est délimitée à l’ouest par le Sri Lanka, ancienne Ceylan, et l’Inde, au nord par tous les deltas et les plaines au ras de la mer du Bengladesh et à l’Est par le Myanmar et la Thaïlande. Au mois de février, elle dort, c’est un lac, pas de houle, pas de vagues, pas de vent. Mais ce n’est pas toujours ainsi. A partir du moi de mai et jusqu’au mois de décembre il s’y déchaine de redoutables typhons, parmi les plus violents au monde. Il y a deux saisons, correspondant aux moussons. La mousson de nord est, en ce moment génère normalement des vents de cette direction. Ils sont sensés nous pousser vers le Sri Lanka. Va venir ensuite avec les typhons la mousson de sud ouest pendant laquelle les vents vont s’inverser. C’est pour ces raisons qu’il faut que je quitte le Sri Lanka avant début mai. Les bateaux qui veulent rentrer en France par le canal de suez doivent effectuer la traversée de la mer arabique jusqu’à Suez maintenant et dans tous les cas avant le mois de mai. Malgré les pirates, la majorité des bateaux qui font le tour du monde passent encore par la mer rouge pour rentrer. Le cap de bonne espérance fait vraiment peur aux navigateurs. Le problème c’est que l’on doit le passer à l’envers, contre les dépressions. Et puis il y a également cette énorme distance supplémentaire. Souvent un autre facteur joue, les navigateurs, arrivés ici ont le sentiment d’avoir réussis leur tour du monde, la caisse de bord est totalement à sec et ils ont hâte de rentrer à la maison. Pour ma part je pense que si je n’étais pas sous dialyse, si je n’avais pas cette contrainte de livraison de poches, je passerais également par la mer rouge. Faire un tour du monde est très facile et très agréable à condition de passer à chaque endroit au moment idéal. Je prends souvent cet exemple : quelqu’un voudrait traverser Paris de la Défense à Bercy en maillot de bain. S’il le fait au mois de juillet ou bien au mois d’aout, pas de problème, il y a de grandes chances pour que cela soit agréable mais s’il le fait au mois de Février, c’est à peu prés certain qu’il éprouvera de grandes difficultés. En mer c’est pareil, il faut passer au bon endroit au bon moment. Des flashs me reviennent, que j’ai adoré Bangkok ! Il y a énormément de moines, des jeunes vêtus uniquement d’un morceau de tissus de couleur orangée. Une image me restera, celle de ce moine assis sur les marches d’un temple. Il avait récupéré un morceau de cartons et des capsules de bouteilles de bière. Sur le carton il avait dessiné un damier, une capsule à l’endroit c’est un pion blanc, une capsule à l’envers un pion noir. Il conviait les passants à de très captivantes parties de dames. Hier soir, vers 20 heures nous avons longé la côte de l’île Sentinel. Quelle drôle d’impression, comment imaginer qu’ici, à quelques centaines de mètres vit une population totalement démunie, hors du temps. Nous n’avons pas vu de feu, mais comment feraient ils, ils n’ont pas d’allumettes, pas de briquets. Ont-ils des barques, cela semble improbable car ils n’ont aucun outil. Quelle est leur culture, quels sont leurs rites. Nous avons énormément d’interrogations et nous longeons la côte pendant une heure sans parler, perdus dans nos pensées. Ce matin Jacky a remis la pêche. Moi je n’apprécie pas trop. Nous avons déjà plusieurs repas à faire et le frigo est plein. Pêcher pour se nourrir je trouve cela normal mais pêcher uniquement pour le plaisir m’indispose. Je ne suis pas vraiment écolo mais j’ai des petits enfants, j’ai conscience que c’est à eux que nous avons emprunté cette terre. En plus j’aime respecter la nature, j’ai horreur du gâchis. Ce tour du monde m’aura fait comprendre encore plus violement combien notre planète est en danger. En mer de Java, en mer de chine et en mer d’Andaman j’ai vu des centaines de bateaux de pêche au lamparo, c’est un véritable pillage organisé de la ressource qui est en train de se produire. Il est certain que les enfants de tous ces pêcheurs devront se débrouiller pour trouver une autre source de protéine, la mer sera vide. En milieu de matinée, Jacky aperçois par la fenêtre du carré des dauphins. Nous filons sur la delphinière avec les appareils photos. Il y en a au moins une cinquantaine, c’est un festival. Nous passons une demi-heure à les observer jouer dans l’étrave. Nous n’avons toujours pas pu couper le moteur, il n’y a pratiquement pas de vent et en plus il est pile sur l’arrière. Le génois est rentré, la grand voile et l’artimon débordés à fond. Moteur entre 1000 et 1200 tours, nous avançons à 4 nœuds. Les voiles nous font gagner un demi nœud, pas plus. Nous n’aurons pas assez de gasoil pour marcher ainsi 7 jours et 7 nuits. Espérons que le vent finira par se lever un peu plus ou bien par virer un peu au nord. Voilà pour aujourd’hui, la journée s’est écoulée gentiment, à bord la vie est vraiment cool. 101 miles sur ces dernières 24 heures, à 589 miles de Chennai, arrivée dans approximativement 105 heures. A bientôt Jean Louis |
|
© 2009-2024 Jean Louis Clémendot |
|
|
|