Journal de bord de l'Harmattan |
Wed, 21 Mar 2012 19:00:00 - 15° 37’W 3° 48’N N° 474 - Ambiance pot au noir
20H00 en France, 19H00 heure du bord
Bonjour Ă tous,
Quel endroit bizarre ce pot au noir. On croirait un décor de film catastrophe. Aujourd’hui nos bateaux sont équipés de moteur auxiliaires mais du temps de la marine à voile, des galions et des caravelles, les capitaines devaient serrer les fesses en arrivant dans cette zone. Ils avaient intérêt à trouver des occupations pour l’équipage, peintures, vernis, frotter le pont, astiquer les cuivres … s’ils ne voulaient pas voir éclater une mutinerie.
Lorsque j’avais une vingtaine d’années, je lisais tout ce que je pouvais trouver sur les voyages en voilier. La traversée du pot au noir semblait à chaque fois quelque chose hors du commun et une vraie victoire d’arriver à en sortir. J’espérais tellement un jour pouvoir vivre cela, faire cette expérience.
Je vais vous planter le décor. Il fait chaud, très chaud même, pas un souffle d’air. Il fait lourd, tout est moite, les marins sont trempés de sueur. Le bateau est arrêté sur une mer absolument plate, tout claque, tout frappe, tout grince. La mer est grise. Le ciel est inquiétant, lourd, gris foncé, même noir par endroit, juste au dessus du bateau une trouée laisse passer un soleil qui grille tout à bord.
On entend des grondements sourds. Il y a de l’électricité partout, la nuit le ciel s’illumine par moment de grands éclairs de chaleurs.
Le bateau reste ainsi des jours et même parfois des semaines les voiles flasques, sans bouger reportant d’autant le moment tant attendu de l’arrivée au port. Sous l’eau il y a comme un dragon qui fait passer son dos arrondi. Le bateau se soulève puis redescend en roulant sur un bord. On a l’impression d’être pris au piège et que plus jamais on ne ressortira de cet endroit de malheur.
Puis, régulièrement, un orage éclate. Tout s’assombrit, le ciel est noir, la mer est noire, des grondements retentissent, des éclairs illuminent la scène. L’écran radar fait apparaître une énorme tache blanche qui se rapproche du centre de l’écran. Il est grand temps de réagir, vite fermer les capots, fermer les hublots, rouler le génois. Le vent commence à souffler très fort et la mer à blanchir. Vite il faut prendre deux ris dans la grand voile, repérer d’où vient le vent cette fois-ci et mettre le bateau sur une route appropriée pour supporter la violence de ce vent. La pluie commence à tomber, fine au début puis tout à coup les vannes s’ouvrent et c’est un déluge qui s’abat sur le bateau dans un bruit d’enfer. Fermer vite fait le volet en avant de la capote et vite descendre et s’enfermer dans le bateau en attendant que cela passe.
Pendant 10 minutes une véritable cascade d’eau s’abat sur le bateau, puis le ciel commence à s’éclaircir, la frappe des gouttes devient moins violente et bientôt je peux ressortir dans le cockpit. Le pont est sous plusieurs centimètres d’eau, les dalots ont du mal à évacuer. Il fait plus frais, il fait bon. Maintenant, il faut refaire les manips en sens inverse, ouvrir le volet de capote, faire sauter les ris, ouvrir les capots et les hublots. Mais il n’y a plus de vent, il faut attendre pour dérouler le génois.
Aujourd’hui c’est corvée d’eau. Dans mon bateau les réservoirs sont intégrés à la coque. En fait c’est la coque elle-même. Ce n’est pas terrible et interdit aujourd’hui mais mon bateau a 43 ans ! En partant du mât principal et en allant sur l’arrière, il y a le réservoir d’eau douce, le réservoir de gasoil et la souillarde.
Le réservoir d’eau fuit à la gîte lorsqu’il est trop plein, pareil pour le réservoir de gasoil et là le gasoil est entré dans le réservoir d’eau. Cela le fait moyen. Pas très grave car je pompe en bas du réservoir et comme la densité du gasoil est 0,7 il ne me gène pas. Maintenant que mon moteur fonctionne en permanence et que j’ai de l’électricité, j’ai voulu nettoyer ce réservoir. J’ai tout vidé puis j’ai lancé le déssalinisateur. Quel appareil magnifique, il produit 30 litres à l’heure, en 8 heures je remplie mon réservoir d’eau. Fabuleux ! J’en profite pour remplir les 6 bidons de cinq litres que j’ai bus depuis Saint Hélène.
Cet après midi les orages sont partis mais il fait une chaleur écrasante et j’ai l’impression que tout s’est arrêté, que tout est endormi. Je pousse le moteur de 1000 à 1100 tours car je pense que cela va lui faire du bien et nous passons de 3,1N à 3,6N. Moi cela me fait du bien.
C’est étonnant, depuis que je suis dans le pot au noir la mer est couverte de très grandes plaques d’une espèce de lichen marron orange.
Seulement 86 Miles au compteur aujourd’hui.
A bientĂ´t.
Jean Louis |
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