Journal de bord de l'Harmattan
Wed, 30 May 2012 20:00:00 - 24° 59’W 16° 53’N
N° 497 - Après le drame, la vie continue



22H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

C’est dur de rester dans cette marina et de penser sans cesse à mon
ami José. Dès que je mets la tête dehors, j’aperçois son bateau et un
profond sentiment d’injustice m’étreint. Comme me l’écrit Maurice, il
n’y a pas de mots pour décrire ce que nous ressentons à la perte d’un
des « notre » dans de si tragiques circonstances.

Bien sûr les petits connards qui ont fait cela ont été arrêtés et
jetés en prison le lendemain même de leur forfait, ils sont tellement
cons que, leur crime accompli, ils se sont rendus au café du coin
dépenser les quelques Euros volés, les mains encore tachées de sang.

Je ne suis pas d’accord lorsque certains prétendent que c’est la
pauvreté qui génère ce genre de comportement même si j’admets qu’elle
peut le favoriser. Lors de mon tour du monde j’ai rencontré des
peuplades pauvres mais dignes. Par contre, je pense que le pouvoir en
place est totalement responsable. Lorsque toute la population trouve «
normal » de voler une annexe et son moteur hors bord si son
propriétaire ne s’est pas acquitté d’un don de 10 ou 20 Euros à un «
gardien », il ne faut pas s’étonner qu’un jour certains en arrive à
cette extrémité.

Le problème du comportement d’un grand nombre de Cap Verdiens avec les
touristes devrait être très méticuleusement mesuré par les autorités
car le tourisme aurait put ĂŞtre une source de revenus importante pour
l’archipel. Aujourd’hui, tous les plaisanciers qui passent ici en
repartent avec une très mauvaise impression, tous ont eu des déboires
avec les autochtones. Après le meurtre de José, cela ne va faire
qu’empirer. Tant que le vol des touristes sera élevé au niveau d’un
sport national, il ne faudra pas s’étonner que parfois cela tourne au
drame.

La vie, cependant, poursuit son cours. Après des moments d’inquiétude
et d’attente dimanche soir, nous avons fini par apparaître sur la
liste des passagers en partance. Le voyage s’est effectué dans un
vieux Boeing rempli seulement au quart. Ici le temps est constant,
beaucoup de vent mais une température agréable de jour comme de nuit.
J’ai retrouvé Harmattan dans un état épouvantable, recouvert de la
ligne de flottaison à la pomme de mât d’une terre ocre foncée, presque
marron apportée par l’Harmattan, son homonyme, le vent venant du
Sahara.

Pour monter à bord et rejoindre le cockpit je me suis mis dans l’état
d’un mineur remontant de la mine. J’ai immédiatement sorti la manche à
eau et arrosé copieusement le pont et le gréement jusqu’à hauteur
d’homme. Il va falloir que je monte en tête de mât avec ma manche à
eau pour laver le reste du gréement. Comme cette matière est
essentiellement composée de très petits grains de sable, c’est très
abrasif et il faut prendre soin de tout nettoyer avant de hisser les
voiles sous peine de tout abimer.

J’ai partagé ma journée de lundi en petits sommes, dépôt de plainte au
commissariat de police et bricolage dans le bateau. La technique du
vol de portefeuille est bien rodée. Cela s’est passé à la porte
d’entrée de la marina. Il y a un contrôle d’accès par badge. Un
complice se présente devant vous et discute pour qu’on le laisse
entrer. Pendant ce temps, un autre se place derrière vous, ouvre la
fermeture éclair de votre sac à dos et prélève le portefeuille sans
que vous ne sentiez rien. Il n’a plus qu’à prélever billets et pièces
avant de se débarrasser aussitôt du portefeuille.

Hier et aujourd’hui, j’ai pas mal avancé les travaux. J’ai câblé et
installé mon nouveau bateau radio ainsi que la nouvelle paire
d’enceintes de cockpit. Je vais ainsi pouvoir profiter à nouveau de la
musique à l’extérieur.

J’ai réparé mon réfrigérateur en installant le nouveau ventilateur.
Avec un petit pinceau, Francine a nettoyé le radiateur de celui-ci qui
était bouché par des moutons, c’est incroyable l’efficacité d’une
telle opération. Il a retrouvé un fonctionnement normal et je ne me
souvenais plus combien il pouvait être performant. Je vais très
certainement économiser beaucoup d’énergie.

Je me suis occupé également du congélateur en changeant la pompe de
refroidissement et le relais de commande. Je vais repartir totalement
confiant au niveau du froid. J’ai changé la courroie de l’alternateur
de servitude et j’en ai deux neuves en rechange. C’était assez facile.

Par contre j’ai passé mon après midi sur la courroie de l’alternateur
d’arbre d’hélice. Quel sale travail. Je jette une vieille couverture
sur mon moteur et je m’allonge dessus, la tête en bas, près de la
sortie de boite. Il faut déjà nettoyer le cambouis qui recouvre tout,
cela prends deux heures et j’en ressors couvert de cambouis des pieds
à la tête. Ensuite il faut désaccoupler l’arbre pour passer les
nouvelles courroies. Quel travail pénible et désagréable, enfin, ce
soir c’est dans les rétroviseurs. Je suis fatigué mais content que
cela soit fait. Depuis deux mois j’appréhendais ce moment.

Demain il va falloir monter en tête de mât. Il reste également à
remettre en place le génois. Ensuite, tous les travaux prévus
effectués nous allons nous transformer en touristes pour aller visiter
Santo Antao.

A bientĂ´t.

Jean Louis
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