Journal de bord de l'Harmattan
Mon, 18 Jun 2012 19:00:00 - 29° 01’W 28° 44’N
N° 509 - Joshua Slocum

21H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de Joshua Slocum car je retrouve les traces de son passage lors mes différentes escales.

C’est un navigateur canadien, né en 1844, mort en 1909, célèbre pour avoir été le premier à faire le tour du monde en solitaire sur son voilier en bois de 11 m qu’il avait reconstruit lui même, le Spray.
Dès l’âge de 12 ans il embarque comme mousse sur les bateaux de pêche.

A 16 ans il gagne le Royaume-Uni ou il embarque comme simple marin puis gravit rapidement les échelons pour devenir second avant de prendre le commandement à l’âge de 25 ans d’une goélette basée à San Francisco. Il parcourt toutes les mers du monde avant de faire naufrage en Alaska où il construit une baleinière et ramène son équipage à bon port ce qui renforce sa réputation de bon marin.

Après une vie mouvementée de capitaine de voiliers, il quitte Boston à bord du Spray le 24 avril 1895 à l’âge de 51 ans, une épave qu’il a reconstruit en 13 mois. Il parachève l’équipement de son bateau en cabotant le long des côtes puis s’élance à travers l’atlantique direction l’île de Faial dans les Açores. Il passe 4 jours à Horta puis atteint Gibraltar le 4 août. Sa première idée est de passer par le canal de Suez mais on le dissuade car la Méditerranée est à cette époque infestée de pirates. Il repart en étant pourchassé par une felouque de pirates qu’il n’arrive à distancer que grâce à un coup de vent providentiel. Il passe par les Canaries puis les îles du Cap Vert avant de toucher le Brésil.

Il descend les côtes du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay puis de l’Argentine, Rio de Janeiro, Montevideo, Buenos Aires, Punta Arenas et il arrive dans le détroit de Magellan où il reste bloqué quarante jours par des tempêtes avant de pouvoir atteindre le Pacifique. Durant son séjour dans le détroit, il reçoit la visite en pleine nuit d’indigènes qui veulent lui faire un mauvais sort et s’emparer de son bateau. Ceux-ci montent à bord et Slocum est réveillé par les cris de douleurs des malfaisants qui sautent à l’eau pour s’enfuir. Il avait pris soin de répandre sur son pont des clous de tapissier.

Il traverse ensuite le Pacifique, s’arrête sur l’île Juan-Fernandez où vécu Robinson Crusoé puis au Samoa où il rencontre la veuve de Robert Louis Stevenson avant d’arriver en Australie en octobre 1896. Il y reste six mois, visite Sydney, Melbourne et la Tasmanie puis repars le
16 avril 1897 en remontant la Grande Barrière de Corail pour passer le détroit de Torres.

Il traverse ensuite l’océan Indien, et fait de longues escales aux îles Coco, puis à Rodrigues et enfin à l’île Maurice en septembre 1897.
Il navigue ensuite sur l’Afrique du Sud qu’il touche en novembre. Il y reste plusieurs mois et est reçu par les notables comme partout où il passe.

Il reprend la mer le 26 mars 1898, remonte l’Atlantique, s’arrête à Saint Hélène puis sur Ascension et arrive enfin à Grenade le 22 mai.
Il s’arrête à la Dominique puis à Antigua passe au large de New York où il essuie la pire tempête de son voyage et arrive enfin au terme de son tour du monde le 27 juin 1898 dans le port de Newport.
Il tire une leçon de ce périple :

« … le Spray fit malgré tout une découverte : c'est que la mer la plus démontée n'est pas si terrible pour un petit bateau bien conduit... »

En 1899 il publie son livre « Seul autour du monde sur un voilier de
11 mètres ». C’est encore aujourd’hui un grand classique lu par tous les grands marins.

Bernard Moitessier n’est pas encore né, il ne verra le jour que 25 ans plus tard et ce n’est que 70 ans après cette aventure qu’il participera à cette première course en solitaire autour du monde sur son ketch de 39 pieds nommé Joshua en hommage à Slocum.

En 1909, Joshua Slocum alors âgé de 65 ans quitte Bristol pour une longue croisière en direction de l’Amazone. On ne le reverra plus, il disparaît dans le triangle des Bermudes.

Je suis admiratif de ce qu’à réussi ce grand marin, quel exploit comparé à ma ballade, comment a-t-il pu réaliser ce périple sans cartographie détaillée où l’on est positionné en permanence grâce au GPS, sans météo en particulier pour le passage si difficile de l’Afrique du Sud, sans radar pour réduire à temps la voilure avant l’arrivée des orages, sans pilote automatique qui est un véritable équipier, sans moyens de communication, satellite, mails, Internet, sans moteur auxiliaire, sans groupe électrogène, sans déssalinisateur, sans frigo ni congélateur, sans enrouleur de génois, sans winchs self tailing, sans tout cet accastillage moderne qui facilite tellement la vie. Bravo l’aventurier !

A bord c’est compliqué depuis hier soir, le vent n’arrête pas de refuser m’obligeant à mettre de plus en plus d’ouest dans mon Nord, à tel point que ma route est maintenant à 45° de la route directe, multipliant les distances par deux. Par moment le vent tombe m’obligeant à user du moteur puis il revient, puis il retombe et ainsi de suite. Où sont mes nuits de douze heures des derniers jours ? En plus il y a un courant de plus d’un Nœud qui me tire par les pieds !

Malgré tout je suis bien, la mer est belle, le bateau se régale et même si la route s’allonge, je suis serein, j’éprouve un sentiment de bien être unique, que l’on ne peut éprouver qu’au beau milieu de l’océan, seul sur son bateau. J’attends tranquillement la renverse du vent, lorsqu’il va venir de l’Ouest ou du Sud pour me pousser vers Horta.

Ce midi j’ai fini le poulet rôti, les petits pains ont une semaine, ils sont foutus, la moisissure s’est propagée à l’intérieur et ils ont très mauvais goût. Demain je vais attaquer les œufs, œufs brouillés nouilles puis œufs brouillés purée et pour changer omelette nouilles puis omelette purée.

Ce soir la route parcourue est correcte avec 105 Miles mais la distance efficace est très médiocre puisque je ne me suis rapproché de Horta que de 76 Miles avec encore 587 Miles devant l’étrave !!!

A bientĂ´t.

Jean-Louis
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