Journal de bord de l'Harmattan
Sun,19 Oct 2014 17:00:00 - 39° 32’ N 1° 23’ E
N° 729 - Une sacrĂ©e rĂ©compense !

19h00 en France, 19h00 heure du bord.
En mer Baléare, dans le golfe de Valence


Bonjour Ă  tous,

J’ai travaillé d’arrache pied pendant un an, 12 mois à améliorer encore mon
bateau. Même si j’adore l’entretenir, par moment c’est une véritable
contrainte, c’est au détriment de ma vie familiale, de moments sympas avec
mes proches et surtout avec mes petits enfants. Parfois j’ai des coups de
mou mais je sais que je me bats pour tenir mon objectif. De toute façon
quelque soit le choix, choisir impose un renoncement. Et pour vivre heureux
il faut choisir et assumer ses choix. Je pense qu’il n’y a pas pire que de
ne savoir faire un choix.

Aujourd’hui quelle récompense à mettre en face de cette année de travail !
Il n’y a encore pas si longtemps, lors de la mise à l’eau, lors des moments
difficiles vécus ces deux derniers jours, lorsqu’il faut quitter ses amis,
dans le golfe de Fos, lors de ces deux nuits si difficiles, lorsqu’il faut
tirer des bords contre un vent contraire on se demande si c’est le bon
chemin. Ne suis-je pas trop vieux pour ce genre d’aventure ? Ne vais-je pas
rejouer un film que j’ai déjà vécu ? Finalement la vraie question est :
est-ce que je vais trouver du bonheur dans la nouvelle phase de vie que
j’entreprends ?

Eh bien j’ai aujourd’hui la réponse, j’ai déjà retrouvé ce que je viens
chercher sur mon bateau au milieu de nulle part. Depuis hier midi c’est le
bonheur absolu et aujourd’hui c’est l’apothéose. Quelle est grande ma
chance, qu’ai-je fait de si bien pour mériter une si belle vie ?

Certains associent voilier et plaisir de la voile. Ce n’est pas mon cas,
pour moi le plaisir se trouve dans le voyage. La mer est devenue un lac,
elle est absolument plate, le vent est quasi inexistant et le bateau avance
à cinq nœuds avec le léger ronronnement du moteur qui tourne à très faible
vitesse en berçant l’équipage.

Les mouvements sont extrêmement doux, on a l’impression qu’Harmattan vogue
sur des nuages. Nous sommes comme suspendus dans les airs. Après deux nuits
et deux jours sans pratiquement prendre de repos, hier au soir je n’avais
plus qu’un seul objectif, un seul but, dormir. Pour la première fois depuis
60 heures, je me déshabille et je rejoints ma couchette. Je m’allonge et
sombre immédiatement dans un profond sommeil réparateur.

Malheureusement il ne se passe pas dix minutes avant que l’alarme collision
retentisse. Je ne sais plus oĂą je suis, il faut que je sorte du bateau en
trombe pour comprendre que je suis en mer, où ? Je n’en ai aucune idée.

Puis progressivement les choses reviennent, c’est un petit bateau de pêche.
Pas de chance, bien qu’à une centaine de kilomètres des côtes espagnoles et
un peu moins de la cĂ´te de Majorque, nous traversons une zone de pĂŞche et
jusqu’à une heure du matin je vais devoir lutter contre le sommeil pour
gérer ces petites embarcations de pêcheurs.

Le manque de sommeil est pour moi une des choses les plus difficiles Ă 
gérer. C’est une véritable torture, c’est inhumain. A minuit 43 exactement,
je sors de la zone de pĂŞche et peux enfin rejoindre ma couchette oĂą je
m’effondre avec délice dans les bras de Morphée jusqu’à huit heures du
matin.

Ce dimanche est un don des dieux. Un plus grand bonheur de vivre ne peut pas
exister. C’est une journée d’été, torses nus et shorts sont de rigueur. Dès
huit heures je change les hameçons tordus du Rapala et quelques dizaines de
minutes plus tard la ligne part puis plus rien. Un des deux hameçons est à
nouveau tordu. Je mets cette fois d’énormes hameçons, un peu
disproportionnés.

Il est dix heures, nous terminons de prendre notre petit déjeuner lorsque la
ligne part une nouvelle fois. Il me faut quarante minutes pour remonter un
monstre de près de vingt kilos ! Jacky prélève les meilleurs morceaux et ce
midi c’est un repas de roi. Normal, c’est dimanche ! Deux autres repas sont
préparés dans une marinade à ma façon pour les jours prochains.

Ensuite, pas de sieste, il faut s’attaquer au blog. Heureusement j’adore
écrire, j’aime communiquer. Je tape également dans ma « job list », rubrique
en violet « Pourra se faire en route à condition d’emporter le matériel ».
Aujourd’hui c’est un peu d’électricité, de l’éclairage à réparer ou
améliorer.

Le bateau s’est transformé en arche de Noé, une grive et deux autres oiseaux
un peu plus petits nous accompagnent.

Jacky suit scrupuleusement sa prescription. Il est très « observant » comme
on dit maintenant. Pour les manœuvres de winchs pas de problème mais pour le
soleil j’ai peur qu’il fasse un surdosage.

Voilà une superbe journée qui se termine, nous allons passer ce soir au
large d’Ibiza, j’espère que nous auront du réseau pour donner des nouvelles
aux proches. Et demain dans la matinée nous longerons la Costa Blanca et
Alicante.

122 Miles au compteur ce jour, 365 depuis le départ.

A bientĂ´t.

Jean-Louis
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