Journal de bord de l'Harmattan |
Sun, 24 Jun 2018 20:00:00 - 38°27’N 21°14’W N° 1164 - Les ravages de la bĂŞte aux grandes oreilles
19h00 heure du bord, 20h00 TU, 21h00 en France
Bonjour Ă tous,
Tous les marins savent qu’il ne faut jamais prononcer le mot maudit sur un bateau, la sanction d’un manquement à cette interdiction est à chaque fois redoutable. Ce fameux mot est le nom de la bête aux grandes oreilles. Pour ma part, à chaque fois que ce nom a été prononcé sur Harmattan, les conséquences ont été terribles.
Malheureusement, Chloé a prononcé ce mot sur Harmattan dans le port de Horta et, moi-même très troublé, voulant lui expliquer le problème en ai remis une couche en prononçant une deuxième fois ce mot. La dernière fois que cela est arrivé, il a fallu faire déplacer un destroyer Indien de 130 mètres de long jusqu’au milieu du golfe du Bengal afin de récupérer mon copain Jacky victime d’une infection très grave.
Aussi vous comprendrez que j’ai entrepris cette traversée en serrant les fesses. La première partie de nuit a été sportive avec des orages, du vent jusqu’à 20 Nœuds au près et de la pluie. Puis, tout s’est calmé et ce matin Harmattan se traine. Je sors pour remettre un peu de toile.
Comme d’une part l’alternateur d’arbre ne fonctionne que lorsqu’il y a du vent (il faut que le bateau avance) et d’autre part que les panneaux solaires ne fonctionnent que lorsqu’il y a du soleil alors qu’en ce moment le ciel est nuageux, je décide de faire tourner un peu le moteur.
Immédiatement je comprends qu’il y a un problème. Le bruit qu’il fait n’est pas normal, trop sec. Je me précipite sur le franc bord et constate qu’effectivement il ne recrache pas d’eau de mer. Vite dans la salle machine, la pompe tourne normalement, je coupe immédiatement le moteur. Je pense que la sonde d’alarme température moteur doit être morte car j’aurais dû être averti.
J’avais changé la petite roue à aube préventivement à Panama, elle est neuve ! Mais une des pales est déjà morte. Je l’avais achetée en Uruguay, à Piriapolis. Je l’avais payé 120 dollars, cinq fois le prix normal ! C’est peut-être cela la cause, elle devait être depuis longtemps en stock et elle a séchée.
Je ne vais pas vous décrire la journée passée sur ce moteur, les misères à solutionner, l’alarme pression d’huile, la surchauffe à plus de 120 degrés de l’eau de refroidissement ayant entrainé la perte de près de 6 litres du précieux liquide … Mais ce soir le moteur semble tourner gentiment. J’ai eu chaud. J’espère qu’il n’a pas souffert et que ce fonctionnement va durer dans le temps.
Il faut savoir que le moteur est extrêmement important pour moi qui voyage en solitaire car cette traversée est réputée pour ses longues distances de calmes plats. Il m’aide à franchir ces zones sans vent et il me fournit de l’électricité pour le pilote automatique et pour la navigation. Sans moteur je serais obligé de barrer 24 heures sur 24 ! Et barrer alors qu’il n’y a pratiquement pas de vent c’est un supplice.
Pour revenir à ce mot interdit, je me demande comment font les commandants de ferry. J’aurais dû demander à mon copain Patrick du Skoiern, il a été commandant sur le Napoléon Bonaparte. Peut-être mettent-ils des affiches ? Remarquez bien que le nom a dû être prononcé puisque celui-ci a coulé dans le port de Marseille. Patrick était déjà en retraite, c’était son second qui était alors commandant.
Je vais maintenant croiser les doigts pour les jours à venir car il y a encore de la distance avant d’arriver. Ce soir il n’y a plus que 2 à 4 Nœuds de vent, c’est-à -dire rien. Merci le moteur. Je suis à 559 Miles de Lisbonne après avoir engranger 121 Miles aujourd’hui. Le compteur affiche 133 Miles.
PS : J’ai oublié hier de vous joindre la photo de mon passager clandestin, la voilà .
A bientĂ´t
Jean-Louis |
"Salut la marin,
Je vois que tu ne chômes pas, mais sans cela tu t'embêterais (rires), un peu plus sur le pont ou dans la cale et un peu moins dans le carré. A+ "
Envoyé par LE DROUCPEET le 25-06-2018 à 20:04
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