Journal de bord de l'Harmattan
Lundi 24 Mai 2021 Ă  8h00 TU, 10h en France - A Port Saint Louis du RhĂ´ne
N° 1289 - RĂ©volution pour la Grande Croisière



Bonjour Ă  tous,

Le magazine Voiles et Voiliers a 50 ans et Jean-Luc Gourmelen, son journaliste « Grande Croisière » m’a demandé ma vision sur l’évolution de cette activité dans les années qui viennent. Il publie l’essentiel de mes réflexions dans le numéro anniversaire présent en kiosque. Mais voici pour vous seuls le texte complet de mon billet.

“Une révolution dans le ciel bleu de la Grande Croisière

Il y a 50 ans, au début des années 70, j’ai 20 ans et la Grande Croisière n’existe pas encore. C’est l’époque « Planche à voile » mais déjà je commence à rêver d’horizons plus lointains en lisant les aventures de Jérôme Poncet et Gérard Janichon.

Quelques années après « Damien autour du Monde » sortie en 1973, j’en suis à la croisière côtière, la croisière estivale en famille, la croisière en Corse, en Grèce, en Turquie. Je découvre alors un livre qui vient de sortir (juillet 1977). C’est « Trois océans pour nous trois », et je me passionne pour la découverte des océans par Yves et Elisabeth Jonville. C’est une véritable révélation.

Je navigue tous les ans en Méditerranée et c’est facile. Mais je suis totalement interloqué de découvrir qu’après avoir fait le tour du Monde, après avoir parcouru tous les océans, ils ont dû affronter leur plus grosse tempête … en méditerranée justement. Immédiatement je sais que je n’aurais plus qu’une idée, faire le tour du monde en voilier moi aussi. Je sais que c’est réalisable, que c’est à ma portée.

Puis ce sont les années 80. Philippe Jeantot me fait prendre conscience que la navigation en solitaire est un must. J’ai encore à l’heure actuelle dans ma table de nuit son livre sorti en 1983, « Trois océans pour une victoire ».

Je pense que c’est à partir de ce moment qu’a commencé ce qu’on appelle aujourd’hui « La Grande Croisière ». De plus en plus de jeunes sans le sou partent sur de véritables rafiots, de plus en plus de retraités commencent à voyager sur des bateaux de série en plastique. Mais la véritable révolution a lieu en 2015 avec la possibilité pour les salariés de prendre une année sabbatique.

J’en ai rencontré plein. Ce sont souvent des jeunes cadres, souvent en couple et même avec des enfants, qui font un tour d’Atlantique sur une année. Les prévisions météo sont maintenant très fiables, les voiliers sont rapides et le circuit est bien rodé. Les bateaux passent ainsi de mains en mains, tous les ans ils changent de propriétaire et repartent pour un tour d’Atlantique.

Passer Panama en revanche est une autre histoire. Il s’agit là de partir pour plusieurs années et les candidats sont beaucoup moins nombreux. Je pense que la plupart en rêvent mais le problème financier se pose forcément. Il faut avoir des revenus, peut-être un petit pécule, une location d’appartement qui rapporte, réduire son train de vie, travailler aux escales …

Comment va évoluer la Grande Croisière dans les années qui viennent ?

Tout d’abord la pandémie a tout changé. Un des résultats positifs de cette pandémie (oui, il y en a) est la découverte du « télétravail » à grande échelle. J’habite à une trentaine de kilomètres de la capitale dans une maison individuelle avec un grand terrain. Depuis quelques mois je vois passer quotidiennement des commercialisateurs d’agences immobilières. « Votre maison n’est pas à vendre ? », « Et celles de vos voisins ? ». Beaucoup de Parisiens souhaitent, et peuvent grâce au télétravail, quitter Paris.

Les confinements successifs nous ont fait découvrir nos véritables aspirations. Nous sommes dans un monde nouveau, un monde où la vraie vie a beaucoup plus d’importance, un monde où l’on veut profiter de la nature, un monde où le travail n’est plus l’unique but de la vie. Fini le métro boulot dodo, on veut beaucoup plus jouir des plaisirs tout simples que nous procure la vie au grand air. Le présentiel n’étant plus nécessaire on quitte la ville pour s’installer à la campagne.

Mais une énorme révolution est en marche, une révolution dont nous ne mesurons pas encore tous les bouleversements qu’elle va engendrer. Il s’agit de l’accès à Internet haut débit sur tous les points du globe et donc sur tous les océans. Merci Monsieur Elon Musk, merci Starlink, grâce à une constellation de plusieurs milliers de satellites en orbite basse, chaque circumnavigateur pourra, pour un coût très faible, télétravailler à bord de son bateau quelque soit l’endroit où il se trouve dans le monde et sur les mers.

Je suis persuadé que nous allons assister à une véritable explosion de la Grande Croisière. En effet, ce mode de vie est maintenant totalement adulte, l’expérience montre que la marche d’un bateau est accessible à tous, que la sécurité est là. On voit d’ailleurs souvent des candidats au voyage totalement inexpérimentés acheter un bateau et partir. Les bateaux sont fiables, les équipements sont nombreux et performants (cartographie, GPS, pilotes automatiques, radars, panneaux solaires, éoliennes, moyens de prévisions météo, winchs, guindeaux, systèmes de réduction de voilure, guides multiples …)

Le fait de pouvoir télétravailler à tout moment à bord de son bateau va solutionner le problème majeur de tout candidat à la très Grande Croisière : les moyens financiers. Au milieu des océans le temps s’écoule doucement et passer des heures en télétravail ne pose aucun problème. Tous ceux dont l’activité permet le télétravail pourront ainsi visiter le monde tout en continuant leur activité professionnelle.

Les marinas qui sont déjà très nombreuses vont continuer à se développer. Les ports à sec également car ils permettent de stocker le bateau en toute sécurité pour prendre l’avion (qui est de moins en moins cher) afin de rentrer quelques mois en métropole. Au niveau écologique prendre l’avion tous les trois mois pour rentrer en France est certainement beaucoup moins impactant pour la planète que prendre sa voiture et passer une heure trente le matin et autant le soir dans les embouteillages Parisiens. Grâce aux nouvelles formules de location longue durée le couple voyageur n’a plus besoin d’un pied à terre permanent en métropole, le nomadisme maritime est de plus en plus possible.

En conclusion, l’accès à Internet haut débit pour un coût modique dans tous les endroits du monde est certainement une révolution aussi importante que l’invention de l’électricité et cette révolution va permettre une explosion inimaginable de la mobilité et donc de la Grande Croisière.”

A bientĂ´t
Jean-Louis


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