Journal de bord de l'Harmattan
Vendredi 19 avril 2024, Ă  16 h TU, 18 h en France. - A Port Saint Louis du RhĂ´ne
N° 1363 - PrĂ©paration du bateau

Bonjour Ă  tous,

Je suis sur mon bateau depuis le début de la semaine, mais je n’ai pas fait grand-chose. Lors de ma première période de dialyse j’étais très en forme, mais cette fois c’est beaucoup plus difficile. Il faut dire que je suis 15 ans plus vieux. J’ai des problèmes digestifs que l’on ne sait pas traiter.

Du coup je suis toujours fatigué et je passe plus de temps allongé sur la banquette du carré à me reposer et rêvasser qu’à avancer le travail. La première fois je n’étais pas du tout pressé d’être greffé, car je menais une vie normale. Mais maintenant j’attends ce moment avec impatiente, car je suis sûr de retrouver un certain niveau de forme physique.

J’ai quand même fini de remonter le groupe électrogène, je l’ai testé et j’ai remis les capots. Puis j’ai attaqué le moteur principal. Il n’a pas tourné depuis six ans et il m’en veut. Il fait la tête et, comme je repars demain, je vais le laisser méditer. Je pense que la prochaine fois il sera un peu plus coopératif.

Je voulais attaquer la peinture antifouling, la peinture de la partie du bateau qui trempe dans l’eau. Mais depuis le début de la semaine, il fait un mistral monstrueux. Aujourd’hui ça va mieux, mais ces derniers jours il faisait un froid de canard. Il n’était pas question de travailler dehors. J’en profite pour remercier mon petit chauffage au gasoil. J’ai une petite télécommande et je le mets en marche et je le règle de ma bannette, bien au chaud sous ma couette.

Je vais avoir un problème, car j’avais mis les rubans de masquage il y a quatre ans, je pensais alors passer la peinture et jeter le bateau à l’eau dans la foulée. Malheureusement mes problèmes de santé ont contrecarré ces projets. Avec le temps les rubans ont séché et je ne sais comment je vais les retirer.

Malgré tout je suis bien dans mon bateau, je rêve, je revis mes souvenirs, je n’en reviens pas d’avoir eu la chance de vivre toutes ces aventures. Pendant douze ans je me suis promené à travers le monde. Que c’est bon d’avoir découvert tous ces peuples qui ont leur propre culture, leur propre façon de penser, leurs propres habitudes, leur propre religion.

Très régulièrement me revient une scène que je ne pourrai jamais oublier. C’était au Sri Lanka. J’étais dans une voiture en ville et je vois qu’on était en train de creuser une tranchée pour le tout à l’égout. Elle avait environ un mètre soixante-dix de profondeur. Et au fond de cette tranchée, armée de pelles et de pioches, des femmes !

J’en suis resté bouche bée. Comment cela est-ce possible ? En France c’est impensable. Puis j’ai compris. Les femmes tamoules sont grandes et charpentées alors que les hommes sont plutôt petits et malingres. Ceci explique peut-être cela. Tout ce que l’on porte pour certains ne l’est que pour nous même. Ce qui est vrai chez nous ne l’est pas forcément ailleurs et vice versa.

Des moments comme celui-là j’en ai à la pelle. Aujourd’hui j’ai appris une chose, la qualité la plus importante que tout le monde devrait partager est la tolérance. Pourtant, autour de moi, je constate tous les jours qu’elle est très peu répandue.

A bientĂ´t
Jean-Louis
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