Journal de bord de l'Harmattan
Sun, 05 Sep 2010 09:00:00 - 142° 48 E 10°08 S
N° 198 - Le dĂ©troit de Torres



11H00 H en France, 18 heures heure du bord,

Bonjour Ă  tous,

Quelle journée sympathique !

Il fait un temps magnifique, et quel endroit merveilleux que ce détroit de Tores. Dommage pour tous ceux, Moitessier et les autres, qui ont navigué ici avant l’avènement du GPS.

J’imagine aisément que ce coin ait pût être un cauchemar sans moyen de positionnement précis avec tous ces dangers, tous ces récifs, toutes ces cayes qui parsèment cette immense étendue d’eau. En plus on se croirait la plupart du temps en pleine mer, on ne voit rien mais une caye peut être tapie sous l’eau à moins de un mètre de profondeur, une patate de corail tranchante comme des lames de rasoir.

Pour moi tout est différent, c’est un véritable paradis. Sur mon écran de cartographie un petit bateau représente la position extrêmement précise d’Harmattan, un petit trait noir est la trace de sa route et je navigue en toute confiance au milieu de ces dangers. Cela me permet d’être serein et de profiter à fond de cet endroit.

J’aime énormément. Les fonds ne sont jamais beaucoup supérieurs à 20 mètres, rendant la couleur de la mer de ce bleu ciel de rêve, celui que l’on voit dans les piscines, celui qui donne envie de piquer une tête séance tenante.

De temps en temps, au milieu de cet énorme étang, apparaît une île. Même pas une île d’ailleurs, un îlet comme on dit en caraïbe. Un tout petit monticule de sable émergeant de quelques mètres au dessus du niveau de l’eau et couvert de cocotiers. Tout autour de magnifiques plages de sable d’un blanc immaculé mais attention, parfois 100 fois plus large que l’îlet, un énorme banc de corail en interdit l’approche. Ce n’est pas cartographié et une pirogue peut être nécessaire pour s’y rendre.

J’adore, cela ressemble à la Camargue, c’est sauvage, la faune aquatique est très développée. Je comprends les Papous qui essayent de venir vivre ici illégalement. Moi aussi j’aimerais vivre ici comme un robinson. Hier j’ai aperçu des gros poissons passer sous le bateau, environ deux mètres de long, des dauphins, des requins, des otaries, des gros poissons ? Je n’ai pas bien vu. J’ai aperçu également une tortue énorme lorsque j’étais au mouillage. D’ailleurs l’élevage des tortues est une des ressources des habitants de cet endroit. Ce matin j’en ai doublé une énorme qui nageait en flottant à la surface de l’eau. Elle a sorti sa grosse tête de l’eau pour me regarder et semblait étonnée.

Pendant toute la matinée, le tronçon que j’ai à parcourir me fait naviguer face au vent, à 35 degrés de celui-ci environ. Le bateau a trouvé une position d’équilibre et je peux abandonner la barre pendant parfois 20 minutes sans qu’il dévie de sa trajectoire. Un vrai bonheur. Mais dès qu’il a fallu revenir en vent portant, c’était à nouveau du plein temps.

Et puis, comme posé au dessus de la mer, un cargo. Quelle image étrange, le capitaine du Wangalla, un cargo de 400 tonnes, a voulu couper trop court, il s’est raté et son cargo va pourrir ici. Cela rappel à tous les navigateurs les dangers de cette mer.

A 14 heures j’ai jeté l’ancre derrière « Bet Islet », un petit coin de paradis. J’ai fait la moitié de la distance me séparant de Thursday Island, soit 40 milles. Je me suis dit qu’il ne servait à rien d’arriver au port un dimanche et qu’arriver la nuit n’était pas l’idéal.

Demain encore je me lèverai dès potron-minet pour lever l’ancre vers 6 heures et arriver à Thursday Island vers 14 heures.

En déjeunant, à l’abri de mon île, je me suis rendu compte que je m’étais trompé dans ce sentiment bizarre qui m’étreignait quand j’étais au milieu des océans. Je prenais cela comme un sentiment d’extrême solitude alors que ce n’est pas du tout cela. Je suis parti du Vanuatu il y a 15 jours aujourd’hui et je n’ai vu personne depuis alors qu’à l’abri de mon île, pourtant inhabitée ou bien en croisant un cargo en pleine mer je n’ai pas ce sentiment. En fait il s’agit d’un sentiment d’isolement, de grand isolement. On se rend compte que l’on est seul face à tout ce qui peut arriver. Certain me disent « Si il y a un problème, on envoie un hélicoptère ». Je ne réponds rien mais ils ne se rendent pas compte que le rayon d’action d’un hélicoptère est très limité.

Non, on est seul, isolé, en total autonomie et c’est cela qui fait l’aventure et je crois que malgré tous les progrès techniques à venir la traversée des océans en solitaire restera longtemps une des plus grands aventures que l’on peut vivre sur terre. Enfin, sur mer.

Voilà pour aujourd’hui. Ah, au fait, j’ai encore retardé les pendules du bord d’une heure aujourd’hui, plus que 7 heures d’avance sur Paris ou Marseille.

A demain.

Jean Louis


"Bjr Jean-Louis, Tous les matin, je traverse le couloir, j'allume l'ordi et je vais sur le site pour lire la news du jour. Important. Quand parfois il n'y a pas de nouvelle news, cela me manque et j'espère que rien de facheux ne se passe. En fait je lis une page d'un bouquin passionnant chaque matin. Je comprends bien le bonheur et l'horreur des situations qui se suivent. Un détail étonnant: votre orthographe s'améliore de jour en jour, vous avez un dico ou quoi? J'ai acheté les plans de mon futur bateau et je suis en train d'aménager un espace bateau dans l'entrepôt. prochaine étape: la construction du marbre. Pour les membrures, je vais les faire faire en découpe numérique 3D afin d'avoir une précision maxi et le bon angle de jointure avec les lattes. Bon voyage bon vent, vous arrivez bientôt dans une zone où j'ai plein de souvenirs, entre autres de navigation: les Iles de la Sonde, les Célèbes, les Iles Mentawaï dont l'une d'elle s'appelle Siberut, le nom de mon association qui a lancé HD Auto et qui maintenant lance la construction du bateau. "

Envoyé par Hubert Durand-Lemazurier le 06-09-2010 à 09:27



"Hola Captain,

Que d'émotions ce week end...Comme toujours le chaud et le froid, la misère puis le bonheur...tu as du en baver dans le dur notamment dans tes premières heures à la barre...finalement comme toujours tu finis par trouver la solution...un peu de barre, un peu de cape, une planque derrière une île et revoila le paradis...
Par contre impressionnant le cargo fracassé sur les récifs...au moins on sait de quoi on parle.
En ce qui me concerne TVB
après mon séminaire allemand, j'ai retrouvé mon portable dans le car...et je suis maintenant en train de trouver un TGV aujourd'hui car mon train de demain est annulé car grèves générales en France...tu sais ce sont des gens qui défilent dans la rue pour protester...en l'occurence contre la modifications des retraites...et bien sûr en tête
la Sncf, Ratp et autres enseignants ( 2 jours après la rentrée )...
VoilĂ  les news, Bon courage et bonne Nav.
Jacky"


Envoyé par Jacky Peudevin le 06-09-2010 à 11:57



"Salut Amiral. Une petite citation que j'aime beaucoup: "Il y aura toujours de la solitude pour ceux qui en sont dignes" Jules Barbey d'Aurevilly. Ca colle bien, non ?
Amitiés. GD"


Envoyé par GD le 07-09-2010 à 12:35



"hola Capt'ain !
Depuis dimanche planqué à l'abri de ton ilet, et plus de messages!
Avaries, réparations, trop occupé à slalomer entre les récifs pour donner ta position, satellites en grèves contre la réforme des retraites, toi même qui te mutine tout seul à bord et fait la grève des milles??? Beaucoup de questions mille sabords suite à ton dernier message, pas question d'aller faire escale au paradis, j'ai vérifié sur les cartes c'est pas là!!! Ohé Capt'aine en attente d'une bouteille à la mer et faire la nique à cet infernal passage à vide de Torrès."


Envoyé par alain marin des vosges le 07-09-2010 à 21:44



"ou alors les z'hotorités z'australiennes sont venues te cueillir et te prendre en remorque? Tu disais justement qu'elles étaient plutôt chatouilleuses sur le fait de mouiller à l'abri des ilets?
Et qu'un avion Ă©tait venu te survoler les jours derniers?
La dernière fois que j'ai vu un avion survoler le voilier en mer, dans les 10 heures qui suivaient un commando de douaniers débarquait à bord et se vidait dans le gosier notre réserve de Pommeau. Bien fait il était dégueulasse!"


Envoyé par alain marin des vosges le 07-09-2010 à 21:53

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