Journal de bord de l'Harmattan |
Wed, 16 Feb 2011 13:30:00 - 92° 43’E 11°41’N N° 290 - Le bagne de Port Blair
14H30 en France, 19 heures heure du bord, Bonjour à tous, Quelle soirée catastrophe ! A 20 heures hier soir nous prenons un rickshaw et demandons au chauffeur de nous emmener au meilleur restaurant de la ville. On arrive devant un « ressort », cela devrait aller. On rentre dans le restaurant, cela ressemble à une cantine sous officier dans un camp de manœuvre. C’est triste à mourir, il n’y a qu’un pauvre éclairage et des tables alignées. Nous commandons deux bières, non messieurs, ici il n’y a que de l’eau, même pas de l’eau minérale, de la « drinking water », de l’eau à boire. En fait de l’eau du robinet, passée aux UV et à l’ozone. Nous prenons le buffet, c’est une horreur, des plats dont on ne peut savoir ce que c’est, sont à peine mangeable. Nous ressortons un peu cafardeux et le ventre seulement à moitié plein. Nous repérons un bar et l’on se dit qu’ici nous pourrions peut être boire une petite bière. Il y a le bar et à l’étage en dessous le restaurant, on descend l’escalier, cela pue terriblement. Sur le palier un énorme cafard d’au moins 4 centimètres de long, on rentre quand même dans le bar, c’est lugubre, très peu de lumière, un froid de canard et des odeurs pas très sympa. Nous commandons deux bières, les meilleures. On nous sert une bière avec un goût très bizarre, que nous n’arrivons même pas à finir. Nous rentrons au bateau avec une seule envie, repartir en Thaïlande. Aujourd’hui c’était visite de l’île en taxi. Première étape le bagne des Andaman. Quelle impression étrange la visite d’un ancien bagne. J’avais déjà eu les mêmes sentiments en visitant le bagne de Cayenne, aux îles du Salut en Guyane. Ici c’est immense, presque 700 cellules, des boyaux très sombres de quelques mètres carrés sans eau, sans toilettes. Construit par les colons Anglais pour déporter les prisonniers politiques Indiens dont le seul tord était de ne pas penser comme les colonisateurs. Combien d’entre eux sont morts ici, sous les sévices, torturés ou bien exécutés ? Il y a une pièce pour les exécutions avec au plafond une poutre où sont attachés trois cordes terminées par des nœuds coulants, sous chaque corde des trappes et dans un coin la poignée de manœuvre qui libère les trappes. Ensuite les corps étaient jetés à la mer. Dire que dans le monde il existe encore des bagnes. Cela fait frémir. Quoi de plus horrible qu’un bagne lorsque comme moi on est épris de liberté. Hubert, qui est un de mes meilleurs amis et qui fait parti d’une famille de colons veux défendre ceux-ci. Moi je ne serais jamais du côté des colons, j’aime beaucoup trop la tolérance. D’ailleurs les Français ne sont pas partis de Madagascar comme il l’écrit, ils ont été chassés par une population qui, comme souvent, ne voulais pas être colonisée. On n’a pas le droit de vouloir imposer sa culture ou ses valeurs. Le bagne de Port Blair a été fermé il y a une cinquantaine d’année suite à l’indépendance de l’Inde. Ensuite nous avons roulés dans l’île. Quel bazar ! Il y a des vaches partout, sur les tas d’ordures, sur les bas côtés, couchées au milieu de la route en train de ruminer au milieu d’une circulation démente. Il faut tourner autour en faisant attention. Il y a également des chèvres et une foultitude de chiens errants. Nous arrivons à une plage où le collège du coin fait sa sortie journalière. C’est plein d’enfants, tous dans le même uniforme. Un groupe de jeunes filles, entre 12 et 13 ans, s’approche de nous. La plus hardie commence la conversation : D’où venez-vous ? Très vite nous sommes entourés d’une vingtaine de filles qui nous bombardent de questions. Vous parlez Hindi ? Non et vous vous parlez Français ? Eclat de rire général. Jacky sort son appareil photo, c’est alors la folie générale, ils sont maintenant cinquante autour de nous, garçons et filles qui sautent et nous entourent pour être sur la photo. Du coup on ne peut pas faire la photo. Une jeune fille me tends un paquet avec des chips d’ici, j’en prends une, c’est très épicé. Maintenant elles doivent remonter dans leur car, « Nice to meet you », il faut serrer cinquante mains, quel bonheur cette rencontre! Quel bonheur ces pays où les femmes sont l’égale des hommes. Quel gâchis de les enfermer à la maison. Nous trouvons enfin un « ressort » pour déjeuner. Nous commandons des bières, non il n’y a pas d’alcool ici. Cà y est, encore un repas comme hier soir. Nous demandons de l’eau « chill », froide, on nous sert une bouteille d’« eau à boire » tiède. Le premier plat arrive, nous décidons de leur faire une farce et demandons du « red wine ». Le serveur va voir si c’est possible, le chef arrive, stupeur ! ils en ont. Le sommelier arrive dix minutes plus tard (ils sont 5 et nous sommes les seuls clients) avec une bouteille de « red wine » qui ressemble étrangement à du vin blanc. Nous acceptons quand même car il n’y a que cela. Nous voici de retour en ville pour les courses. Ici ils n’ont pas encore inventés les feux tricolores. A chaque carrefour, dans une guérite un peu surélevée, une fliquette en uniforme. Elles sont grandes, belles, et exécutent une chorégraphie étudiée pour facilité les flots de circulation. C’est très élégant, très féminin. De mon rickshaw je tente un petit signe d’amitié, j’ai droit en retour à un sourire ainsi qu’à un petit signe de la main très discret. Encore une fois c’est du bonheur. Au niveau des courses, il n’y a rien, nous trouvons juste un paquet de nouille, une brique de jus d’orange, des œufs et du pain de mie. Il va falloir tenir huit jours avec cela. Heureusement il reste un tout petit peu de nourriture à bord. Le taxi nous conduit pour acheter du poulet, c’est horrible, cela pue comme ce n’est pas possible, c’est plein de cage avec des poulets vivants, le principe, on vous tue votre poulet, on vous l’emballe et vous partez avec. Nous nous enfuyons sans rien prendre. Voilà , ce soir nous avons dîné à l’hôtel « Emerald View», c’était super, enfin un repas normal avec bière, vin rouge et « Tiger Prawns » délicieuses. A bientôt. Jean Louis |
"Bjr Jean-louis, quelques précisions et une anecdote sur Madagascar. 1962 indépendance, les 50000 français restent, président Philibert TsIranana pro français. 1974 révolution, virage à gauche toute, l'administration malgache visite les affaires françaises et impose une cession de part majoritaire,,,, gracieuse. La famille part en laissant tout. D'autres restent notamment les gens moins aisés, au fil du temps la plupart des anciens colons français disparaissent, remplacés par des français moins ancien régime, ils sont parait-il encore 35000. On dit que Madagascar est devenu un des pays les plus pauvres; cela n'est pas la faute des colons ou de l'administration française. Quelques mois avant la révolution de 1974, j'étais à l'ile Sainte Marie sur la côte est de Madagascar, ile où le pirate La Bigorne avait établi son camp de base puis, grand séducteur, avait marié la reine de l'ile. Avant de mourir, se sentant sans doute plein de contrition vis à vis de son pays d'origine, il avait donné l'ile à la France. Donc en 1974 ou un peu avant , quittant l'ile Sainte Marie pour retourner sur mes plantations, je suis retenu par une délégation des notables malgaches de l'ile qui me remettent cérémonieusement une lettre pour Pompidou, demandant à redevenir français.... J'ai posté la lettre consciencieusement, sans l'ouvrir; imaginez que j'en ai une copie. Si vous passez par Madagascar, dites vous que ce pays devenu délabré, sale et morne, a été pour moi un exemple d'entreprenariat et d'harmonie sociale, j'en ai une très grande nostalgie, un monde a disparu. Et si vous longez la côte ouest, vous verrez des goëlettes de transport qui sont probablement toujours fabriquées selon les plans d'un architecte francais venu sur place en mission de la France au 19ème je crois, pour améliorer le transport cotier. Je réclame plus de tolérance et plus de connaissance du monde colonial. Et j'attends votre escale à Pondichéry car j'en garde des souvenirs très marquand et aussi très liés à la colonie, mais tout cela a sans doute disparu aussi Cela n'empèchera pas l'échange de vue. Bon vent et bon voyage . "
Envoyé par Hubert le 17-02-2011 à 10:50
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