Journal de bord de l'Harmattan
Wed, 13 Jun 2012 20:00:00 - 27° 05’W 20° 21’N
N° 504 - Circumnavigateur

22H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour à tous,

Hé bien çà y est, je suis entré à 14h11 heure du bord dans le cercle très fermé (je ne pouvais pas la rater celle là) des « Circumnavigateurs solitaires ». Et Harmattan dans celui des voiliers ayant fait le tour du monde.

C’est par 20° 00’ de latitude Nord et 26° 57’ de longitude Ouest que nous avons recoupé le sillage tracé par Harmattan en ce six décembre
2009 aux environ de 19h30. J’ai cherché dans la mer une trace de ce passage laissé il y a deux ans et demie mais je n’ai rien vu. Que tout est éphémère ! Cela permet de remettre les choses à leur juste place, cet évènement est avant tout personnel et n’est rien du tout dans l’immensité de l’espace temps.

Malgré tout c’est pour moi la réussite d’un véritable challenge, un objectif que j’espérais pouvoir réaliser depuis que je suis adolescent. Bien qu’étant alors en pleine santé cela me semblait un véritable Everest, quelque chose de presque inatteignable. C’est justement ce « presque » qui m’attirait inexorablement lorsque je m’endormais après avoir lu quelques pages du livre « Trois océans pour une victoire » de Philippe Jeantot sur son « Crédit Agricole ». Mais maintenant c’est en plus une victoire sur la maladie, une victoire sur le cancer, une victoire sur la perte totale de mes reins, une victoire sur la dialyse qui semblait me condamner à être privé de liberté.
C’est également la victoire de cette technique merveilleuse, je dirais presque miraculeuse qu’est la greffe d’organe et avec elle ce cadeau inestimable qu’est le don d’organes.

C’est également le moment de rappeler que, quelque soit les difficultés que nous avons à affronter (et nous en avons tous), il faut toujours se battre pour profiter à fond de la vie. Elle est si belle à vivre mais également si courte que tous les jours doivent être vécus comme si c’étaient les derniers, avec enthousiasme et passion.

Quelle émotion énorme, j’en profite pour passer quelques coups de téléphone afin de partager avec la famille et les amis ce moment inoubliable. Pour fêter l’évènement le capitaine fait servir à tout l’équipage une double ration de rhum (en fait du bourbon car le rhum est épuisé). Le prochain grand, très grand, énorme moment, ce sera le
20 octobre lors de mon retour à Marseille. J’espère vous voir nombreux à la fête organisée par Jacky.

Ici tout se passe bien même si c’est très sportif. Ce midi j’ai piqueniqué avec appétit après ces deux jours de jeune. Pas facile avec le pont faisant un angle de 30° par rapport à l’horizontale et le bateau ruant comme un cheval de rodéo. C’était poulet rôti chips puis petit fromage de chèvre et enfin une pomme. Au Cap Vert les fromages sont absolument dégelasse, excuser moi mais il n’y a pas d’autres mots pour qualifier cet espèce de caoutchouc qui crisse sous la dent. Un français, Norbert, copain de Popeye, s’est lancé dans la fabrication de fromages de chèvre selon la méthode de chez nous. Quelle différence ! Je sors le fromage du frigo deux jours avant de le consommer, il se transforme en une crème qui pue très fort. C’est absolument délicieux tartiné sur une tranche de pain avec un coup de rouge.

D’ailleurs, je pense qu’il y a mille façon de faire fortune dans le monde, par exemple la baguette, la parisienne. Il y a plein de pays où le pain est inconnu mais même les pays qui fabriquent la « Baguette parisienne » vendent un produit absolument innommable. Il n’y a que deux produits français qui ont inondé le monde, la « French frie », les frittes et la « Vache qui rit ».

Cet après midi mauvaise découverte, en ouvrant le coffre où sont rangées mes cannettes de Miller rapportées d’Afrique du sud, je découvre avec horreur que la moitié de celles-ci se sont ouvertes et leur contenu s’est répandu dans mon coffre mélangé avec du gasoil car mon réservoir n’est toujours pas étanche. Du coup je suis au régime semi sec jusqu’aux Acores. Ce qui me rends le plus triste est que cette bière est absolument délicieuse, la meilleur que j’ai rencontré dans mon tour du monde.
Ces bouteilles sont fermées avec une capsule qui se dévisse, j’avais trouvé cela génial mais elles n‘ont pas résistées aux sauts de cabri d’Harmattan.

Les Acores, bien qu’à l’Ouest du Cap Vert sont sur le même fuseau horaire (UTC-1) mais comme c’est l’Europe, l’heure d’été s’applique, je vais donc devoir avancer les pendules du bord d’une heure. J’ai cependant quelques jours pour le faire. C’est également l’Euro (pour combien de temps encore), fini donc le double porte monnaie qui m’a cependant bien servi lorsque je me suis fait voler mon portefeuille.

Ce soir le temps s’est assagi, la mer est moins grosse et le vent est passé de 20-25N à 15-20 N, c’est un peu plus confortable et avec le soleil qui est revenu la mer est bleue, c’est très agréable. La nuit dernière j’ai récupéré en dormant 12 heures, je ne me suis levé que quelques fois. J’imagine assez bien la nuit qui arrive, elle peut ressembler beaucoup à la précédente.

Voilà pour aujourd’hui, 112 Miles au compteur, à 1094 Miles de Horta.

A bientôt.

Jean Louis


"Jean Louis, tu es un type formidable !
Encore merci pour cette leçon de courage !
Chapeau !
Au plaisir de te revoir
André"


Envoyé par Talineau le 14-06-2012 à 11:33

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