Journal de bord de l'Harmattan |
Sat, 17 Jan 2015 19:00:00 - 19° 10 N, 23° 42 W N° 757 - A la recherche de tranquillitĂ©
20h00 en France, 19h00 heure du bord.
Bonjour Ă tous,
Juste avant de partir, un film sortait en salle, le titre : « Une heure de Tranquillité » je crois. Je ne l’ai pas vu, je ne sais pas s’il a plu, mais j’ai vu quelques interviews de Christian Clavier et le thème m’a frappé par son actualité.
Finalement, lorsque je pars seul en mer pour une traversée de plusieurs semaines, ce que je recherche ce n’est pas exactement la liberté comme je le pensais. Bien entendu la liberté fait partie de l’équation, nous n’avons pas dans une vie sociale notre pleine liberté, nous devons respecter des codes. En fait ce que je veux est encore plus profond, c’est bien la recherche de tranquillité qui me pousse.
Et lorsque je reviens, après l’avoir trouvée, après l’avoir goutée, après l’avoir appréciée au point d’en être devenu dépendant, je n’ai plus qu’une idée, y retourner.
Je pense que ce besoin de tranquillité est ancré dans les racines les plus profondes des êtres humains depuis la nuit des temps. J’adore l’émission de télé « Rendez vous en terre inconnue », de Frédérique Lopez. Les invités ou leur comportement m’intéressent peu, par contre la vie des peuplades visitées me fascine.
Elles ont un point commun, malgré un isolement et un dénuement hors du commun, ces hommes, ces femmes, sont heureux de vivre, ils passent leur temps à sourire et a se battre pour que la civilisation moderne ne les rattrape pas. Ils se battent contre l’exploitation de leurs forêts, des richesses minières de leurs sous-sols, de tout ce qui sera une barrière à la poursuite de leur mode de vie.
Par contre, ils se battent également pour l’éducation de leurs enfants, voient très bien celui là devenir médecin à la ville alors que c’est justement cette évolution qui fera disparaître leur mode de vie. Quel paradoxe !
Un personnage m’a particulièrement marqué, c’est ce Tsaatan qui vit avec sa famille et son groupe dans les steppes du nord de la Mongolie. Très jeune il a choisi de devenir éleveur de rennes, alors qu’il aurait pu, comme beaucoup, vivre dans ces villages de containers, plus ou moins subventionnés par l’état pour stopper la nomadisation.
Il a choisi une jeune femme qui a accepté de le suivre et, partant de rien, il est fier de posséder aujourd’hui un troupeau de rennes qui lui permet de vivre et d’élever ses six enfants. La vie est rude, il faut transhumer, nomadiser, rechercher les endroits où les rennes peuvent trouver des lichens pour se nourrir, vivre sous la tente 365 jours par an même si dehors, en plein hiver, la température peut descendre jusqu’à moins cinquante.
Le plus fascinant alors qu’il vit au milieu de nulle part, c’est qu’il éprouve malgré tout le besoin de trouver cette tranquillité, cette richesse si rare de nos jours. Il prend alors un renne et part pendant un mois, seul dans les steppes glacées, afin de sentir couler profondément en lui cette vie qu’il aime énormément.
Le soir il s’arrête près de quelques arbres, ramasse quelques bois morts et fait un feu où il va chauffer de la neige pour boire, faire une soupe des quelques herbes qu’il a ramassé, peut-être cuire la perdrix qu’il a chassé. Puis il dormira à même le sol, dans une peau alors que le renne restera à l’abri près du feu guidé par la peur ancestral des loups qui rôdent.
Comme je comprends cet homme, comme ses yeux s’illuminaient lorsqu’il parlait de ces randonnées. J’ai retrouvé là exactement ce qui m’habite lorsque je pars seul pour une longue traversée. Faire avec les éléments qui nous entourent et jouir à fond de la vraie vie, du simple bonheur de vivre sans aucun artifice, en harmonie totale avec la nature qui nous entoure.
Sinon, à bord, grande amélioration. A deux heures trente du matin je suis réveillé par une situation trop calme. Que se passe-t-il ? Le vent souffle toujours aussi fort, entre 25 et 30 N, le bateau continue à avaler les miles mais dans la nuit noire je comprends qu’une composante de houle qui secouait violemment le bateau s’est apaisée. Il continue à rouler bien sûr mais la fin de nuit plus calme nous permet de dormir.
Cette amélioration a tenue toute la journée même si un énorme coup de gîte après déjeuner a vu un couteau traverser le carré et se planter de plusieurs millimètres dans le plancher en vibrant. De la bonne sauce bien grasse s’est répandue également, transformant la cambuse en patinoire !
Ce soir le vent a mis un peu plus d’Est dans son Nord, le bateau est ainsi un peu plus stabilisé, il roule moins et nous allons pouvoir attaquer la Saturday Night Fever.
Nous avons encore gagné un degré de température, c’est top. Nous terminons cette journée avec 187 Miles supplémentaires au compteur. Nous sommes ce soir à 136 Miles de la pointe Nord de l’île de Santo Antao.
A bientĂ´t.
Jean-Louis |
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