Journal de bord de l'Harmattan |
Mon, 26 Jan 2015 20:00:00 - 0° 45 N, 29° 27 W N° 765 - ExcitĂ©s comme des puces
21h00 en France, 19h00 heure du bord.
Bonjour Ă tous,
Qu’il fait bon vivre ce matin ! Il fait beaucoup plus frais (28°) et l’on respire normalement. La nuit a été calme, très peu d’alertes orage et la mer est toute plate. Tous ces éléments réunis ont permis à l’équipage de bien se reposer et de retrouver toute son énergie.
Nous sommes excités comme des puces, exactement comme des enfants qui, le 24 décembre au matin, attendent le Père Noël. D’après l’écran qui contrôle la navigation, il doit passer vers 16 heures.
Vers 9 heures, alors que nous prenons le petit déjeuner, les brumes se déchirent et juste au dessus d’Harmattan apparaît un énorme morceau de ciel bleu dans lequel le soleil vient se glisser subrepticement comme pour s’excuser de nous avoir oublié ces derniers jours. Que c’est bon d’exister, oui tout simplement d’exister et de savourer le moment présent. Contrairement à ce qui guide notre société de consommation, le bonheur n’est pas dans la possession, posséder plus, toujours plus mais dans l’instant.
Beaucoup de religions nous proposent comme but suprême de vivre au paradis. Mais je me demande souvent si ce n’est finalement pas un plan foireux. C’est l’alternance qui fait le bonheur, il faut vivre une journée comme hier pour apprécier pleinement un petit matin comme aujourd’hui. Si vous mangez de la langouste à chaque repas, très vite vous rêverez d’un pot de rillettes.
Ce qui est rare a de la valeur. Essayez de déjeuner avec un cubitainer de vin sur la table et faites le même repas avec seulement un verre de ce même vin. Hé bien ce verre sera infiniment meilleur, vous le dégusterez, vous l’apprécierez et finalement il en restera à la fin du repas. J’aime fonctionner à l’économie, tout devient beaucoup plus intense.
Nos politiques n’intègrent jamais le fonctionnement profond de l’être humain dans leurs décisions. Un exemple qui me turlupine sans cesse est la distribution des médicaments. Depuis plusieurs décennies, ils sont « gratuits ». Lorsque le pharmacien demande « Vous avez besoin de tout », la réponse est pratiquement toujours « Oui ». Alors que beaucoup ne serons jamais consommés. Quel gâchis ! Ils n’ont pas de prix donc pas de valeur mais qu’est-ce qu’ils nous coutent !
Vers dix heures, nous sommes presque persuadés que le Père Noël existe car il m’a semblé voir un écho radar fugitif sur la cartographie à l’emplacement où doivent se trouver les cailloux. Notre excitation monte encore d’un cran mais c’est un mirage, nous l’espérons trop.
C’est à 14h30, alors que nous sommes à 7,8M du site que nous obtenons la certitude que notre cadeau est là avec de temps en temps un écho indéniable en plein à l’endroit présumé. Maintenant, il faut guetter son apparition visuelle à partir du pont du bateau. Pour fêter cet important moment, je sors la canne et envoie une ligne de traine. C’est paraît-il un endroit où l’on peut faire des pêches miraculeuses.
Et puis, à 14h56 un cri s’élève poussé par le capitaine lui-même « Terre, terre Cap’tain ». Les rochers apparaissent au loin dans la brume, j’attrape les jumelles et en compte 5. Maintenant plus besoin de cartographie, nous allons droit dessus. C’est incroyable de trouver là quelques cailloux plantés en plein milieu de l’océan.
Peu à peu les formes s’affinent, ma cousine qui adore mettre des îles à son tableau de chasse doit en être malade. On a l’impression d’un gros navire de guerre arrêté là . Jacky surveille les barres de son téléphone portable avec envie mais également avec angoisse. Je crois qu’il ne risque rien.
A 16h10 nous longeons cette micro-île à environ 200 mètres de distance, personne mais d’énormes oreilles tournées vers le ciel. C’est un moment unique, j’attends cela depuis tout petit. Photos puis nous repartons, j’observe en permanence le sondeur, pour l’instant il n’a pas trouvé le fond. Puis alors que nous sommes déjà à plus d’un Mile du rocher vers l’Ouest, il affiche des profondeurs qui remontent.
Juste à la crête de cette chaîne montagneuse, alors que nous sommes à 127 mètres, bziiiiiiiii… un poisson vient de mordre. Je commence à le remonter mais malheureusement mon bas de ligne casse, je suis un bourrin, j’aurais dû le changer, il doit être rongé par le sel. Tant pi, ce soir madame thon se baladera avec un piercing qui va épater toutes ses consœurs.
Nous nous dirigeons maintenant sur l’île Fernando de Noronha à 330 Miles, une nouvelle aventure qui démarre mais avant, il faut passer la ligne.
119 Miles au compteur ce soir.
A bientĂ´t
Jean-Louis |
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