Journal de bord de l'Harmattan |
Tue, 10 Jan 2017 17:00:00 - 32°02 S 52°06 W N° 928 - Coup de baston Ă froid
14h00 heure du bord, 17hTU et 18h en France.
Bonjour Ă tous,
Ça ressemble à la mer, ça a l’apparence de la mer mais pas la couleur, pour le goût je n’en sais rien car je n’ai pas envie de tester ce liquide café au lait foncé. En fait c’est une rivière, le Rio de la Plata (Rivière plate). Mais cet estuaire de plus de 200 kilomètres de large est tellement étendu qu’on pourrait bien se croire en mer.
Nous sommes partis avant hier à 17 heures. Cyril et Nicolo ont nettoyé le bateau et fait les courses, pour ma part j’ai couru les différentes administrations afin de mettre en ordre nos papiers de sortie.
Tout le monde était content de prendre la mer, ou plutôt la rivière devrais-je écrire. Après une longue remontée à contre courant du bras secondaire nous avons atteint la rivière principale. Sont fort courant favorable (4N) contre un vent de face levait une mer (rivière) désagréable. Mais vers minuit le vent a faibli et nous nous sommes régalés à suivre les chenaux de navigation.
Au milieu de la nuit l’alarme me réveille, mes équipiers sont en train de gérer une zone de mouillage pour cargos de tous acabits. C’est normalement assez facile car ils sont tous illuminés comme des sapins de Noël. Mais là il y a quelque chose qui cloche. Nous allons droits sur un cargo qui est assez près.
Je descends et change notre route pour passer dans un trou entre deux cargos mais lorsque je remonte il est toujours devant nous et un peu plus près. Je redescends, change à nouveau la route mais lorsque je remonte ce cargo est juste devant nous en route de collision. Je comprends alors qu’il n’est pas au mouillage, il fait route !
Vite, barre à bâbord toute, et le gros cargo défile sur notre tribord. J’imagine assez mal voir aux infos « Un voilier a coulé un super tanker ! ». Mais quel buzz nous aurions fait.
En ce début d’après-midi de lundi nous sommes à l’entrée de la « Bahia Samborombon », il fait grand beau et Harmattan marche bien sous grand voile et génois. La sieste est appréciée par tout l’équipage. Puis le vent tombe, on rentre le génois mais on garde la grand voile, moteur, la vie est belle.
Mes prévisions météo ne nous annoncent rien de méchant mais Pierre-Yves a vu un « coup de baston » pour 21h pendant 3 heures. Ces nouvelles sont du matin car je n’ai pas encore ma liaison satellite et j’ai pu joindre Pierre-Yves par GSM car nous n’étions pas très loin de la côte.
Vers 18 heures nous observons une bande noire sur notre tribord et notre avant. Ce doit être la baston de 21h prévu par Pierre-Yves. Pas d’inquiétude. Mais cinq minutes plus tard la zone noire s’est énormément agrandie. Cela me rappelle le pot au noir et ses orages monstrueux.
Je décide de descendre pisser avant de rentrer la grand voile. Mais, par le hublot des toilettes je vois très bien au loin une bande blanche d’eaux bouillonnantes entre les nuages et la mer. Je comprends immédiatement ce qui se prépare, sans prendre le temps d’effectuer ce pour quoi j’étais là , je sors en courant et me précipite vers le cockpit.
Mais le phénomène va à une vitesse folle, il me surprend au milieu du carré, Harmattan se couche violemment, le hublot de la cambuse se retrouve ainsi sous l’eau et la mer se rue à l’intérieur en faisant de gros bouillons par ce trou de 40 cm par 20 cm ! C’est énorme ! Je me rue dans le cockpit comme un fou et libère l’écoute de grand voile. La bôme part et percute violement la mer.
Harmattan se redresse aussitôt, il y a 54 Nœuds de vent, la voile faseille méchamment, je libère rapidement la drisse mais la grand voile ne descends pas totalement seule, il faut aller en pieds de mât pour l’aider. Nicolo propose d’aller s’habiller et se harnacher pour effectuer cette manœuvre mais ce n’est pas possible, je me jette dehors sous ce déluge et ce vent de dingue.
Lorsqu’enfin la têtière est maintenue en position je peux retourner au cockpit, je me mets en fuite à environ 30 degrés du vent arrière du côté opposé à la bôme. Le vent oscille maintenant entre 40 et 45 Nœuds. Harmattan, privé de voiles file à plus de 7 nœuds. Heureusement nous avons de la mer à courir.
Cela me paraît une éternité mais enfin le vent s’établie autour de 35 Nœuds, je peux alors mettre sous pilote et m’occuper de ferler la voile avec une vieille écoute. C’est difficile et dangereux mais après beaucoup d’efforts les choses sont sous contrôle et je décide de prendre la cape. Je mets le bateau en travers du vent et des vagues, je bloque la barre et je peux respirer, nous sommes en sécurité.
Le bateau dérive à environ deux nœuds et demi et nous avons au moins 30 miles pour courir. A l’intérieur c’est monstrueux, tout à valsé dans tous les sens et baigné dans 10 ou 20 centimètres d’eau. Les médicaments, les livres, les habits, le téléphone de Cyril, tout, c’est un capharnaüm énorme.
Mais pour moi c’est assez, je décide d’aller dormir en attendant que tout cela se calme, j’ai ma dose. Cela ne devait durer que trois heures mais ca n’est qu’à 4 heures ce matin que je peux remettre en marche.
Aujourd’hui c’est grand beau, nous ressemblons à un bateau de va nu pieds de la mer, tout sèche sur le pont mais les estomacs sont revenus à la normale et la vie nous semble merveilleuse.
A bientĂ´t
Jean-Louis |
"Hola Captain, hola les marins,
Je vois que sur vos premières 24 h vous avez eu la chance de connaitre un petit condensé d'emmerdes et de chaleurs. ça forme un équipage d'entrée de jeu. J'imagine que ça devait etre bien chaud...Heureusement que ça ne s'est pas passé au milieu de la nuit en plein sommeil général... J'espère maintenant que vous étes bien sec et que la navigation des redevenue plus confortable. Bon copurage et bonne nav. les garçons. Jacky"
Envoyé par PEUDEVIN JACKY le 11-01-2017 à 13:02
"Salut Jean-Louis, merci d'avoir raconté cette épisode de bason en détail surement un coup de pampero. Pour info, les prévisions grib valent pour heure UTC, c'est a dire que 21h=18h en Argentine. (mais ca peut aussi etre arrivé en avance). Plata ne veut pas dire plat mais Argent, Argent le métal mais aussi argent comme en francais. "voce tiene plata?" avez vous des pepetes. Ne vous inquetez pas pour la suite, j'ai aussi pris une baston en sortant du fleuve chocolat, mais elle est arrivé un peu plus progressivement (10 minutes, au lieu de 30 secondes pour toi); elle devait faire 25 noeuds..j'ai vu 58 affiché. j'étais a 4 milles du bord argentin et nous avons mouillé pour la nuit. si ca peux vous rassurer, plus au sud il y a des vents forts aussi mais pas ces pampero de merde qui vous tombent dessus en quelques secondes."
Envoyé par johnny zeisner le 12-01-2017 à 18:40
"Comment pouvez-vous obtenir des médicaments anitrejection en croisière. Je vais obtenir une transplantation bientôt et je me demandais comment obtenir des médicaments en dehors de la voile.
Merci Barry"
Envoyé par Barry Palmatier le 12-01-2017 à 23:19
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