Journal de bord de l'Harmattan |
Sat, 12 May 2018 23:00:00 - 27°30’N 72°04’W N° 1131 - Après la pluie le beau temps revient toujours
19h00 heure locale, 23h00 TU, 24h00 en France
Bonjour Ă tous,
J’adore ce principe philosophique qui s’applique à tous les moments de la vie et en particuliers à ceux très difficiles à vivre : « Après la pluie le beau temps revient toujours ». Et c’est tellement vrai. Plus un moment a été difficile à vivre et plus la vie va sembler belle lorsque la pression va se desserrer un peu. Lorsque l’on vit une tempête en mer, il faut toujours penser qu’elle va finir par se terminer, qu’elle ne peut pas durer indéfiniment. Dans la vie de tous les jours c’est la même chose.
Hier soir allongé sur ma couchette, je suis dans la difficulté. J’ai déjà bien entamé mon stock de gasoil et la route est encore longue. Avec ces multiples orages et les vents générés dans toutes les directions possibles, la mer est en vrac avec des houles croisées dans tous les sens.
C’est d’ailleurs l’occasion d’observer ces fameuses vagues pyramidales qui peuvent être extrêmement redoutables dans les tempêtes. Lorsque des houles se rencontrent, leurs hauteurs instantanées s’additionnent. C’est ainsi que sont générées les vagues pyramidales qui dépassent toutes les autres d’une hauteur importante et dont le sommet déferle. Hier c’était à petite échelle mais dans les tempêtes elles peuvent être extrêmement destructrices.
Dans ce type de mer un voilier n’avance pas, il bute sans cesse dans la mer et même au moteur il est extrêmement difficile de faire route. De plus, le vent de face d’environ 6 Nœuds, n’arrange rien. Les prévisions météo ne sont pas fameuses car même lorsque le vent va être dans le bon sens, il ne doit pas dépasser 5 ou 6 nœuds.
Je suis mal, je cogite dur. Vais-je arriver à rejoindre les Bermudes ? Je commence à douter car je suis obligé de laisser tourner le moteur pour ne pas dériver avec le courant et m’éloigner de l’objectif en attendant dans quelques jours (ou plus) des conditions favorables. Ma réserve de gasoil ne me permet pas d’atteindre ces îles, dois-je retourner sur les Bahamas ?
Le moteur tourne au ralenti, inverseur enclanché et je fais route à 1,5 Nœud. Je ne peux pas m’endormir et régulièrement je me lève pour faire un tour et constater mon impuissance à trouver une solution qui, d’ailleurs n’existe pas en l’état. Mais, vers 22 heures, je constate que le vent tourne au Sud en se renforçant légèrement.
Il souffle maintenant à 9 Nœuds, contredisant les prévisions, et je m’active pour régler mes voiles et ma direction afin de profiter au mieux de cette aubaine. Pendant deux heures je peaufine, un demi-tour de winch, filer 10 cm d’écoute, un cran sur le rail de trinquette… Je suis toutes voiles dehors, génois, trinquette, grand-voile et artimon. Pour une fois tout le monde a compris l’importance de se dépasser et tout le monde s’entend pour faire avancer le bateau.
J’ai coupé le moteur depuis longtemps. La trinquette s’est un peu écartée pour laisser de l’air au génois, la grand-voile a fait également des efforts et le génois les remercie en faisant le beau et en bombant le torse. La mer s’aplatit peu à peu. Avec 11 Nœuds de vent maintenant Harmattan file à 8,5 Nœuds, mon bonheur est énorme.
Mais il faut quand même rester sur la route aussi je reprends une quinzaine de degrés sur le cap et nous marchons alors à 6,5 Nœuds, c’est formidable. Satisfaction supplémentaire, l’alternateur d’arbre d’hélice fonctionne à merveille et compense totalement les consommations du bord malgré les batteries fatiguées (congélateur, pilote, radar, navigation …)
Je me dis que même si ces conditions ne durent que quelques heures ce sera toujours cela de pris. Mais c’est maintenant établi, ça tient et je baigne dans ma couchette trempée autant que dans le bonheur.
Toute la journée il fait un temps magnifique, que c’est bon de vivre ! Encore merci à tous les professionnels de santé, à mon donneur et à sa famille, merci pour cette perle de vie, vous me permettez de bénéficier d’une seconde vie absolument merveilleuse.
Ce soir le compteur journalier affiche fièrement 134 Miles, je ne suis plus qu’à 486 Miles des Bermudes dont je me suis rapproché de 112 Miles.
A bientĂ´t
Jean-Louis |
"Salut Grand Capitaine ! Le début de ton "billet" de samedi m'a bien fait flippé mais la suite était bien réjouissante ! ? En regardant les Gribs (vents et vagues) je ne comprenais pas ce courant du nord que tu subissais, mais je viens de voir sur passagewheather, la carte des courants générés par le Gulf stream et là on comprends beaucoup mieux ce que tu subis... Bon courage Cap'taine ! Régis "
Envoyé par RĂ©gis Deschamps le 14-05-2018 à 03:27
"Bonjour Jean Louis Merci de nous faire partager,audace, professionalisme en la navigation,tu t'en sors comme un chef! Chapeau ! capitaine, que je salue amicalement! Bon vent !"
Envoyé par andre talineau le 14-05-2018 à 07:38
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