Journal de bord de l'Harmattan
Thu, 13 Dec 2018 11:00:00 - Dans le TGV Paris / Aix en Provence
N° 1199 - Une journĂ©e de folie

11h00 TU, 12h00 en France


Bonjour Ă  tous,

J’ai la chance de vivre une vie extra ordinaire. Je l’ai écrit en deux
mots afin de bien faire ressortir le sens premier de l’expression. Je
vais vous raconter ma journée de lundi. Elle démarre à quatre heures
et demi du matin. Didier passe me prendre Ă  la maison car nous devons
ĂŞtre chez un notaire Ă  Lille pour 9 heures. Je vais signer une
promesse dans le cadre de l’acquisition d’un nouvel immeuble pour
notre Groupe.

La matinée est excitante ! C’est un gros morceau à 3,5 millions
d’euros et la négociation est difficile. Malgré tout nous ressortons à
midi et demi, contents car la promesse est signée. Après un rapide
déjeuner que nous offre le vendeur je me retrouve à la gare TGV où
j’achète un billet car j’ai l’intention de me rendre au salon nautique
de Paris.

Après une demi-heure d’attente sur le quai glacial le TGV arrive
enfin. Sur le billet j’ai la place 37 mais elle n’existe pas, dans le
wagon les numéros passent de 36 à 42 ! Une jeune femme me propose de
m’assoir à côté d’elle car il n’y a personne. C’est une beurette
globetrotteuse d’environ 25 ans, née à Roubaix de parents algériens.

Elle est mignonne et revient du Brésil. Nous parlons immédiatement de
voyages. Les pays que nous connaissons tous les deux, les rares pays
qu’elle connait et que je ne connais pas (Le Cambodge), les nombreux
pays que je connais et qu’elle ne connait pas encore et les endroits
que nous ne connaissons ni l’un ni l’autre mais où nous rêvons d’aller
(PĂ©tra en Jordanie par exemple).

Le voyage passe très vite et nous sommes déjà gare du Nord. J’ai envie
de pisser mais maintenant c’est le métro. Dès que je rentre sur le
salon les rencontres s’enchainent et je ne prends pas le temps d’aller
pisser. C’est un véritable tourbillon entre les connaissances dans les
allées et les stands où je dois traiter des problèmes de maintenance
pour les Ă©quipements de mon bateau. Le salon ferme bientĂ´t, il est
temps de retrouver Olivier avec qui je dois dîner ce soir.

Au restaurant je me retrouve coincé et ne peux aller pisser sans
déranger beaucoup de monde. Nous passons un super moment et je fais la
connaissance d’Ines, la copine d’Olivier. En quittant le restaurant je
devrais aller pisser mais j’ai envie d’accompagner Olivier jusqu’au
métro. Maintenant je suis dans le métro et après un changement je me
retrouve sur le quai du RER station Etoile. Mauvaise surprise, il y a
des perturbations et aucun RER pour Cergy n’est annoncé.

Après avoir attendu un peu je monte dans un RER pour me retrouver à La
Défense. Je cherche dans toute la gare mais il n’y a pas de toilettes.
Je fini par comprendre que Cergy n’est plus desservi et que la gare la
plus proche est Sartrouville. Je dois attendre encore puis je prends
un RER pour cette direction en pensant que je vais y trouver un
service de bus de substitution.

A Sartrouville les habitués se précipitent et le bus part sans pouvoir
prendre tout le monde. Il y a une Ă©norme queue et pas de bus. Il faut
attendre. Un bus double (avec une remorque) arrive, tout le monde se
précipite, les premiers peuvent s’assoir mais tous les autres sont
debout. Le bus est plein et nous sommes serrés comme des sardines. Il
est 22 h passées. Je ne comprends pas pourquoi ce bus ne part pas.
Mais il est géré par la SNCF et doit respecter un horaire ! Nous
devons attendre une demi-heure !!!

Malheureusement je ne peux pas tenir la position debout très
longtemps. J’ai une jambe beaucoup plus courte que l’autre et je dois
rapidement m’assoir. Et puis il y a cette envie de pisser monstrueuse.
Je me sens de plus en plus mal, je dois m’assoir. J’essaie par terre
mais c’est impossible, je sors du bus mais ne trouve pas. Je m’informe
pour un taxi mais il n’y en a pas. Je rentre à nouveau dans le bus et
supplie qu’on me donne une place « Monsieur, il y a des places
derrière pour les vieux ! »

Je suis très fatigué. Finalement un jeune homme me cède sa place en
grommelant. Je m’assoie, me cale sur la fenêtre et immédiatement je
perds connaissance. Quelques minutes plus tard j’entends qu’on me crie
dessus « Monsieur réveillez-vous », « Monsieur comment vous
appelez-vous ?». Comme je suis obéissant je fais énormément d’efforts
pour ressortir de ce trou oĂą je suis si bien.

Il y a plusieurs agents de la SNCF. Le bus doit partir et je ne peux
rester dedans. Ils m’aident à sortir. En me levant je découvre une
énorme mare en dessous de moi, je comprends immédiatement, ma vessie a
lâché pendant ma perte de connaissance. A cause de ma maladie ma
vessie est anormalement grosse et peut contenir jusqu’à un litre et
demi.

Je suis trempé de la poitrine jusqu’aux chaussures comme si j’avais
pris un bain tout habillé. De plus, lors de ma greffe j’ai attrapé des
bactéries nosocomiales et sans qu’il y ait réellement d’infection (je
n’ai pas de fièvre) mes urines sont colonisées, totalement troubles et
surtout elles ont une odeur très forte.

On m’installe un peu plus loin dans un abribus, il ne fait que
quelques degrés, je suis trempé et avec le vent j’ai énormément froid.
Les agents SNCF me recouvrent d’une couverture de survie, ils me
demandent ce que je veux faire « Rentrer chez moi, me laver et me
coucher ». Ils me demandent s’ils doivent appeler les pompiers mais je
ne sais pas, dans l’état où je suis-je n’ai aucune solution.

Je me sens très mal et je perds à nouveau connaissance. Cette fois
j’ai du mal à revenir, on me crie dessus « ouvrez les yeux ». Malgré
mes paupières ouvertes je ne vois qu’une silhouette noire dans du
noir. Je suis tellement bien là où je suis. Mais je m’efforce de faire
plaisir Ă  ces gens qui me crient dessus. Progressivement ma vue
revient.

Cette fois ils ont appelé les pompiers qui mettent un certain temps à
arriver. Ils sont sympas, l’un me pose plein de questions tendis qu’un
autre prend mon pouls et ma tension. Puis ils me proposent de
m’emmener aux urgences de l’hôpital d’Argenteuil. Que faire d’autre ?
J’accepte. Pendant le trajet nous discutons de leur vie de pompiers,
c’est une belle rencontre.

A l’hôpital les pompiers m’installent sur un brancard. Je baigne dans
mon jus, je pue comme un phoque mais les infirmières sont sympas. Nous
discutons de pays exotiques, de différentes destinations, c’est un
sujet qui fonctionne Ă  tous les coups, tout le monde rĂŞve de voyage et
cela fait sortir du quotidien.

Christophe est passé chercher Francine et ils sont là. Vers deux
heures et demi du matin le Docteur qui a suivi mon dossier et regardé
tous les résultats des investigations vient me voir. C’est une femme,
elle est très sympa. Mon histoire de tour du monde sous dialyse et de
Patagonie a fait le tour du service.

Elle passe un moment à discuter avec moi. Elle me dit « Mais qu’est-ce
que vous aviez Ă  faire pour vous lever Ă  quatre heures et demi du
matin ? ». Je lui parle un peu de moi, de mon métier, de mes
aventures. « Vous êtes quelqu’un d’exceptionnel, en trente ans de
service je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme vous ». Elle me
demande si je pourrais venir à l’hôpital pour faire des conférences
aux malades « Avec plaisir ».

Finalement il n’y a rien de grave, juste une énorme fatigue. J’arrive
à la maison un peu après trois heures. Enlever tous ces habits
souillés est un bonheur qui n’a d’égal que la douche suivie d’un bon
coup de serviette bien sèche. J’ai encore vécu une journée d’aventures
exceptionnelles remplies de belles rencontres.

A bientĂ´t


Jean-Louis
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