Journal de bord de l'Harmattan |
Sat, 04 Feb 2012 17:00:000 - 28° 27’E 32° 42’S N° 428 - Une dĂ©pression vicieuse
18H00 en France, 19H00 heure du bord
Bonjour Ă tous,
Elle s’était bien cachée cette dépression, personne ne l’avait vu venir.
Hier au soir, 19h, je viens de poster la nouvelle du jour, je monte dans le cockpit et constate qu’un vent de NE est entrain de se lever, pile sur mon arrière. Super top, j’ouvre la grand voile en grand et rapidement je peux couper le moteur, Harmattan file avec le courant et le vent dans le dos. Nous marchons bientôt à 9N, c’est un régal.
Comme le vent forcit encore un peu et que je crains un empannage toujours possible, vers minuit je prends un ris. A la vitesse où l’on va, je serais devant East London à l’aube. Mais à 3 heures, le vent faiblit et je dois relancer le moteur pour continuer à rester dans le lit du courant. A ce moment le courant est de 5,1N. Je me dis qu’avec les super prévisions de la météo, je vais peut-être pouvoir arriver d’une seule traite à Cap Town.
Puis, à 4 heures, le pilote se met en alarme. Que se passe-t-il ? Je sors dans le cockpit pour constater que le vent est tout à coup très fort. J’essaie de m’orienter et je comprends rapidement qu’il a tourné et qu’il nous arrive maintenant en pleine face, contre le courant. C’est un coup de vent et la conduite à tenir est très claire : « aller le plus vite possible à la côte », sortir de la veine du courant et pour cela aller de l’autre côté de la ligne des 200 mètres.
Je mets le moteur full speed, et avec la grand voile à un ris j’essaye de sortir au plus vite de ce piège. Comme les prévisions météo étaient bonnes, je me suis tenu au milieu de la veine de courant et je suis maintenant à 1h45 de cette fameuse ligne des 200M. Le vent se renforce et je prends rapidement un deuxième ris, puis comme il monte à 30N, je prends le troisième et dernier ris. C’est un peu sportif car la mer commence à être grosse et je dois aller au pied du mât.
Quel soulagement lorsque je passe la ligne et que le courant commence à diminuer. Bientôt il n’y en a plus et la mer est pour l’instant beaucoup moins agressive. Je n’ai pas le choix, je dois prendre la cape le temps que ce coup de vent passe.
Prendre la cape c’est descendre toutes les voiles, puis mettre la barre à fond dans un sens et la bloquer. Le bateau va alors présenter le côté sur lequel est le gouvernail face au vent puis il va dériver en avançant et en dérivant sous la pression du vent. Sa vitesse de dérive va dépendre de la force du vent, elle est souvent entre 1 et 2N. Cela permet de se mettre dans une situation de repos lorsque la mer n’est plus navigable.
Je ferme la descente et je suis dans mon chez moi douillet pendant que les éléments se déchaînent à l’extérieur. C’est assez confortable et j’en profite pour récupérer un peu de sommeil en retard. Il faut quand même surveiller toutes les heures la dérive pour ne pas aller à la côte.
Vers 11h, le vent forcit encore, il y a maintenant 50N et des rafales à 60. La mer est toute plate, la cime des vagues est emportée par le vent. Elle est horizontale et toute blanche, couverte de stries. Les vagues explosent au dessus du bateau en permanence. Je dois absolument sortir pour ferler mes voiles qui maintenant claquent dans ce vent de folie.
Je me déshabille et je sors, la première vague qui me recouvre me fait frissonner, ce n’est pas la manche ou la mer du nord mais tout de même, avec ce vent c’est froid. Je fais très attention car l’opération est périlleuse.
Puis vers 14h le vent se calme pour se stabiliser autour de 20N mais toujours de SW. Il faut attendre que cette dépression passe pour repartir. C’est dommage, je n’étais plus qu’à trois heures d’East London, elle aurait pu attendre un peu.
A bientĂ´t.
Jean Louis |
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