Journal de bord de l'Harmattan |
Sat, 05 Oct 2013 06:00:00 - 38° 41 N 15° 11 E N° 678 - Dans les Ă®les Eolienne
8h en France, 8h heure du bord.
Bonjour Ă tous,
Je me dépêche de vous poster une petite nouvelle tôt ce matin car à nouveau je vais être dans le blackout total pendant quelques jours, le temps de remonter la mer Tyrrhénienne jusqu’à Bonifacio, à 350 Miles environ de Messine. Pour être plus exacte je récupérerais certainement de la portée GSM en longeant la côte Nord Est de la Sardaigne.
Le passage du détroit de Messine est toujours un grand moment, et surtout un moment très prenant. Ici pas question d’aller dormir dix minutes. C’est une sorte d’entonnoir dont le petit côté est au Nord et le gros côté au Sud, bordé par l’Etna. Lorsque l’on arrive par le Sud les difficultés vont donc crescendo et c’est ce qui permet de rester éveillé et attentif.
La totalité du parcourt est d’environ une vingtaine de Miles et la sortie Nord, très étroite fait un coude vers l’Est à environ 80 degrés. Ce sont sur les cinq derniers Miles que les difficultés se concentrent. D’une part c’est à cet endroit que les bacs font des allers et retours permanents entre les deux côtes, d’autre part le passage étant étroit les bateaux montant et descendant sont très proche les uns des autres.
J’arrive à cet endroit vers une heure du matin, tout s’est bien passé, il n’y a pas de vent, la mer est plate, un petit courant portant au sud mais pas plus. Je viens de franchir le coude et je dois maintenant traverser le détroit car la route qui va vers la Corse fait un virage en épingle à cheveux à la sortie. Je regarde depuis un bon moment s’il n’y a pas de bateaux, c’est difficile car les côtes sont bordées de milliers de lumières.
Il faut couper à angle droit, je m’engage là où c’est le plus étroit, il y a environ un Mile et demi, c’est l’histoire d’une vingtaine de minute. Très vite je sens le bateau partir dans tous les sens. La mer est vraiment bizarre autour de moi. Dans le noir je vois de grands ronds lisses et un peu bombés, je comprends immédiatement que je viens de rentrer dans les fameux « Whirpool », les tourbillons géants qui avaient tant impressionné Ulysse.
Le bateau est intenable à tel point que le pilote décroche. Je prends la barre, il faut s’arque bouter sur celle-ci pour arriver à diriger approximativement le bateau. Soudain je vois un bateau juste derrière moi. Je n’y comprends rien et décide de retourner immédiatement d’où je viens. Difficile, Harmattan est presque à l’arrêt. Je mets la manette des gaz à fond, la vitesse surface est de 7,7N mais la vitesse fond n’est que d’un Nœud soixante !!!!
J’insiste tout de même, je n’ai pas le choix. J’ai l’impression d’être épinglé là comme un papillon de collection. Ma vitesse surface se maintient à 7,7N mais petit à petit, au fur et à mesure que je m’éloigne de cet endroit fatidique, tout doucement, par dixième de Nœud, ma vitesse fond remonte. Maintenant Harmattan est plus stable et je peux à nouveau confier la barre au pilote.
Je descends à la table à cartes et je comprends tout, c’est justement là , à l’endroit le plus étroit, que se trouve une sorte de marche. De chaque côté les fonds sont entre deux cents et trois cents mètres mais ici, sur une bande étroite il n’y a que 72 mètres !
Le problème maintenant est que je dois déjà sortir totalement du détroit puis faire une très grande boucle pour presque revenir sur mes pas afin de prendre la direction de Bonifacio. Il est trois heures du matin lorsque je m’estime sorti d’affaire. Je vais bientôt pouvoir aller dormir.
Hé bien non, tout à coup, très soudainement, le vent se lève sur l’arrière directement à plus de trente Nœuds. Vite, je prends un premier ris dans la grand voile, rapidement suivi par un second. J’affale l’artimon, Ouf ! Cela va mieux. Je comprends que c’est un phénomène local car la météo prévoit un force trois. Je devrais partir NW mais je reste avec un cap Nord afin de garder ce vent en plein sur l’arrière avec seulement un tout petit peu d’angle pour ne pas trop rouler.
Maintenant je peux aller prendre un peu de repos. Je ne suis pas encore totalement allongé que je dors déjà . Vers cinq heures je me lève, le vent est redevenu normal, autour de huit Nœuds, le bateau roule, il faut renvoyer du moteur, je larguerais les ris plus tard, rien ne presse de toute façon il n’y a pas de vent exploitable. Sur la cartographie je fais un « Aller à » sur Bonifacio et je retourne dans ma couchette. C’était bien un phénomène locale dû à la côte escarpée côté continent.
Maintenant, à huit heures, je longue le Stromboli qui est encore en train de dormir. Il a une très jolie couronne de nuages blancs à mi pente mais aucune fumée ne s’échappe de sa cheminée.
Mon ordinateur de bord me dit que j’ai 75 heures de route pour arriver dans les bouches de Bonifacio. D’après la météo cela risque d’être 75 heures de moteur.
A bientĂ´t.
Jean-Louis |
"Super genial le detroit de Messine! Quelle aventure JL! freaking crazy! I love it! Bravo capitaine!"
Envoyé par Delphine le 08-10-2013 à 00:19
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