Journal de bord de l'Harmattan |
Mon, 07 Oct 2012 17:00:00 - 41° 07 N 9° 36 E N° 679 - La navigation en MĂ©diterranĂ©e
19h en France, 19h heure du bord. 41° 07 N 9° 36 E
Bonjour Ă tous,
Madame ou Monsieur « tout le monde » imagine la mer Méditerranée comme « le petit bain » comparé à l’Océan Atlantique qui serait « le grand bain ». Combien de fois, ai-je entendu des réflexions allant dans ce sens ou laissant sous entendre ce sentiment. Et pourtant, moi qui connais les océans je peux vous dire que la Méditerranée n’est pas une simple bassine où on laisse jouer les enfants l’été.
Bien sûr en Méditerranée on ne voit pas la mer se jeter à l’assaut des côtes comme lors des grandes tempêtes hivernales en Bretagne et c’est certainement cette image qui fait que la conscience collective accorde un profond respect à la puissance de l’Océan.
Cependant, il me semble, en fonction de mon expérience, qu’il est beaucoup plus difficile de traverser la Méditerranée que de franchir les océans. Bien entendu je me place dans des latitudes « normales », je ne connais pas le grand sud par exemple et je ne peux en parler.
En Méditerranée c’est le règne de l’instabilité, on ne peut rien prévoir, de plus les conditions météo locales prédominent les générales. Je suis toujours surpris lorsque je vois sur un plan d’eau, un groupe de voiliers, voilure réduite, totalement penchés pour luter contre un fort vent et très proche, un autre groupe de voiliers immobiles avec les voiles qui pendent. D’un côté de la ligne qui les sépare il peut y avoir 40 Nœuds de vent et de l’autre 4, c’est difficile à imaginer.
Cet été je n’ai pas sorti une seule fois mon spi. Tout ce travail pour ne le garder qu’une heure ou deux, ce n’est pas la peine. Dire que dans l’Atlantique Sud je l’ai gardé huit jours et huit nuits sans le descendre !
On pourrait penser que la solution est de naviguer sous le vent des îles, et bien non, c’est souvent là que l’on rencontre les pires conditions.
Quand dans l’océan le vent est toujours constant en force et en direction, en Méditerranée il varie en permanence et surtout, il varie en force et en direction. Dans l’océan, sous un orage le vent peut passer brutalement de 15 à 35 Nœuds mais il gardera en général la même direction. Il suffit de prévoir et d’avoir réduit la voilure en conséquence.
Par contre en Méditerranée, sous l’orage le vent passe également brutalement de 15 à 35 Nœuds mais en plus il peut changer radicalement de direction. En une heure de temps, je l’ai ainsi vu venir de tous les côtés de la rosace.
Souvent les plaisanciers disent « il n’y a pas de vent ou bien il y en a trop ». La Méditerranée c’est aussi le domaine des calmes plats. Avec 4 ou 5 Nœuds de vent on ne peut pas faire grand-chose, ce sont des jours entiers de moteur. Les prévisions ne sont absolument pas fiables, en 2007, ayant attendu 15 jours à Bizerte des conditions favorables, je pars pour Marseille avec toutes les prévisions météo dans le vert pour les trois jours à venir mais en plein milieu du trajet j’ai dû subir un vent force 9.
Ceci dit, pendant les six mois d’été, en Méditerranée on se déshabille pour aller à l’avant du bateau ou en pied de mât pendant le gros temps alors que dans l’océan on chausse les bottes et on enfile le ciré.
Il est dix neuf heures, je suis au Sud du golfe d’Olbia, au Nord Est de la Sardaigne, cette nuit je vais longer l’archipel de la Maddalena et traverser les bouches de Bonifacio pour me retrouver sur la côte Ouest de la Corse. Encore une longue nuit en perspective. Mon GSM vient juste de retrouver une porteuse ce qui me permet de vous envoyer ce petit mot.
La traversée de la mer Tyrrhénienne s’est globalement bien passée mais comme je l’imaginais presque totalement au moteur. La première nuit a été très difficile. Dès la veille au soir, en voyant le ciel tout noir et en permanence illuminé par des éclairs de chaleur j’ai su que je ne dormirais encore une fois pas beaucoup.
L’apocalypse s’est déclenché vers trois heures du matin et à durée jusqu’à neuf heures. Les orages se sont enchainés les uns derrière les autres et le spectacle était grandiose. Des trombes de pluie comme on ne peut imaginer, à ne même pas voir le pied du mât. Cela me rappelait l’océan Indien lors du passage du pot au noir. J’ai dû rester dans le cockpit en permanence. Au début en petite tenue mais l’eau de pluie c’est froid et j’ai dû sortir le ciré.
Sous les orages le vent montait entre 30 et 35 Nœuds et je devais rester à la barre pour maintenir le bateau avec le vent en permanence sur la hanche arrière bâbord. Le bateau filait constamment au dessus de dix Nœuds avec des pointes au dessus de 11 et même jusqu’à 11,78N. Son record de 12,7N (une fois en 2007 lors de ce coup de vent force 9 et une seconde fois dans l’Indien) n’a pas été atteint.
Cela m’a rappelĂ© la traversĂ©e du Pacifique sauf qu’à ce moment, comme le vent Ă©tait stable en force et en direction je n’avais pas besoin d’être Ă la barre. Ma seule occupation Ă©tait de profiter du spectacle grandiose de ce dĂ©placement lourd en train de filer au dessus de 10 NĹ“uds avec les grosses vagues arrivant sur la hanche tribord. Pour mĂ©moire j’ai mis 17,5 jours pour parcourir les 3000 Miles entre les Galápagos et les Marquises soit 8,5N de moyenne.
A bientĂ´t.
Jean-Louis |
"je n'avais plus de nouvelles ouf c'estoke bravo pour votre parcoursquand vous serez sur la terre téléphonez moi bisous roselyned"
Envoyé par roselynedemeestered le 09-10-2013 à 21:34
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